Pour une démocratie directe locale
Face à la mutation sociétale en cours : l'élévation de nos démocraties
Dans la vie, il faut choisir son POLÉMOS...
Sylvain Rochex (Mars 2013)
Vous ne le saviez pas ? Attendez, je vais essayer de vous expliquer tout ça. [...]
Ce terme de Grec ancien nous vient du fond des âges. Il nous vient d'Héraclite (vers - 500 av. J.C.).
C'est le terme qui rassemble sur lui-même tout le champ lexical : combat, opposition, affrontement, guerre, débat, dispute, conflit, polémique (c'est d'ailleurs la racine directe pour ce dernier).
Ce terme nous fait donc palper une Idée philosophique de base.
On sent effectivement que c'est une pièce maîtresse de la réalité du monde, comme nous en parle L. Jerphagnon :
« Dans les fragments d'Héraclite, on assiste à un combat (polémos) sans trêve des contraires : feu solaire-eau ; jour-nuit ; santé-maladie ; justice-injustice, etc. - mais c'est que chaque force a besoin de la force antagoniste pour subsister. D'où alors cette affirmation selon laquelle polémos, le combat, est père et roi de toutes choses. En langage d'aujourd'hui, disons que c'est l'opposition des contraires qui constitue le moteur du devenir. De cette joute des contraires - et précisément parce qu'elle est sans fin -, naît l'harmonie, autre mot-clef, ou l'arrangement, ou encore l'ajustement. " Ce qui s'oppose à soi est en même temps ajustement à soi, comme les tensions opposées de l'arc et de la lyre " »
Lucien Jerphagnon, dans "Histoire de la pensée".
Le polémos est donc présent dans la nature et dans la société.
En société, il est essentiellement présent sous deux formes :
- le polémos démocratique (joutes verbales pour se mettre d'accord en régime démocratique) et
- le polémos armé (recherche de destruction physique de son opposant).
Ce deuxième (polémos armé) résulte directement de l'absence ou de la trop grande faiblesse du premier (polémos démocratique).
Je trouve qu'on peut voir le polémos armé comme la manifestation de la somme paroxystique tous les petits conflits démocratiques qui auraient dû avoir lieu et qui n'ont (malheureusement) pas eu lieu, par manque de courage, par absence de vraie démocratie, et par manque d'un nombre suffisant de citoyens libres, autonomes et émancipés, décidés à s'occuper tous ensemble des affaires communes dans l'intérêt général.
Ainsi, dans toutes les sociétés, jusqu'à la veille de la guerre ou des émeutes sanglantes (polémoï armés), on dira à l'authentique démocrate jouteur, à celui qui veut vivre les conflits nécessaires, à celui qui cherche les opinions réelles au lieu de la politesse de façade, à celui qui veut que tout le monde donne le fond de sa pensée, et à celui qui veut mettre en scène les conflits démocratiques, qu'il s'y prend mal, qu'il appelle à la violence, qu'il est agressif, qu'il est trop radical, qu'il exagère, et qu'il ne devrait pas dire les choses de manière aussi franche, directe, et frontale.
Oui, jusqu'à la veille de la Sanglante, on cherche à se protéger à tout prix du polémos démocratique ,
Ô bêtise absolue, car celui-ci est pourtant notre seule possibilité, moyen, et rampart, pour éviter le polémos armé.
Si je dis qu'il faut choisir son polémos, il faut donc également choisir son type de courage de la même façon.
Le courage du soldat en armes ou le courage du démocrate orateur.
Ils s'opposent totalement.
Il faudrait donc choisir entre le courage de faire une démocratie, et le courage de faire la guerre.
Ne dit-on pas régulièrement que les mots sont des armes. Ainsi que les livres, le savoir, et la philosophie.
Mais des armes au service de la Philia et non de la guerre sanglante.
Le polémos démocratique et la philia ne s'opposent pas. Ils marchent main dans la main en démocratie.
Sur la philia, je vous renvoie à mon article : http://www.facebook.com/notes/sylvain-rochex/la-philia/432236783491399
Je voudrais qu'on visualise bien le principe de vases communicants et l'effet de balancier qui existent entre le soldat en armes et le démocrate-orateur.
Le futur soldat, lui, déserte les assemblées, c'est un déserteur du polémos démocratique, il n'est pas émancipé. Tel un enfant, il ne sait pas (ou pense ne pas savoir) parler, former des opinions, les défendre et les faire évoluer grâce aux affrontements verbaux.
Le futur soldat des champs de bataille est celui qui fustigera les-orateurs-qui-se-disputent-démocratiquement, de vivre dans la haine de l'autre alors qu'aucune haine n'est présente : ces disputeurs vivent dans la Philia...
Et personne, malheureusement ne verra ce déserteur d'assemblée comme déserteur.
Alors qu'il s'agit là, selon moi, de la seule vraie forme de désertion.
En corolaire, le vrai démocrate est, lui, le déserteur des champs de bataille.
Le polémos démocratique n'ayant pas pu avoir lieu ou ne pouvant plus avoir lieu, à cause des manques que j'ai pointés plus haut, le démocrate se retire, s'exile...
Apparaît alors, l'absurde : polémos armé.
Et que dit, du démocrate-déserteur, la communauté devenue affreuse : qu'il manque de courage, que c'est un pleutre, un lâche...
Quelle magistrale ironie millénaire !
Oui, tous ceux qui n'ont pas eu le courage de vivre le polémos démocratique, tous ceux qui n'ont pas eu le courage de former des opinions réelles, de les défendre, de les modifier, de dire le fond de leur pensée, et de protéger la démocratie des oligarques, par ambition et soif de pouvoir, oui ces lâches-là, accuseront le démocrate-déserteur du polémos armé, de manquer de "courage" sur le champ de bataille.
Si la notion de déserteur est inversée.
Il en va donc de même pour le courage.
Derrière chaque être poli, pétri d'ambition,
qui ne dit pas le fond de sa pensée,
qui pense à son intérêt personnel,
et qui cherche à mettre fin à tous les débats,
se cache donc, selon moi, un soldat.
Quelqu'un dont le (faux) courage ne peut se déclarer que lorsque survient le polémos armé.
Et donc peut-être, quelqu'un qui désire inconsciemment le polémos armé.
Quelqu'un qui, au fond, ne croit pas au cosmos, mais uniquement au chaos.
Le démocrate, devenu déserteur, qui aura tout fait pour faire vivre la démocratie et donc, pour éviter à tout prix le polémos armé se verra conspué, haï, par la Cité affreuse, par la communauté devenue vile et cruelle.
Le soldat, à son retour du champ de bataille, sera sûrement décoré, honoré, récompensé. Décorations qui auront une forte valeur pédagogique dans un sens inversé, puisque ce n'est pas le vrai courage qui sera valorisé, mettant tout le monde en bonne position pour recommencer un cycle.
Dans la période actuelle (occident, 2013),
nous manquons cruellement de polémos démocratique
(puisque nos régimes ne sont en rien des démocraties)
et c'est en cela que le polémos armé nous pend au nez.
C'est pourquoi cette armée de gens qui font profession de condamner le polémos démocratique : communautés new-age diverses et variées, ces fous de l'unité en gaïa machin-truc, certains militants de la soi-disant communication non-violente (pas tous), les méditants absents des assemblées etc. roulent, selon moi, pour la venue du polémos armé.
Leur soi-disant harmonie est factice et impossible puisqu'ils fuient le polémos inhérent à la vie en société et qui est à la source de l'harmonie réelle (jamais atteinte).
Un des très nombreux exemples de ces anti-polémos bossant inconsciemment pour la venue du polémos armé est le précepte largement diffusé par l'Université-du-Nous comme un dogme : « AVEC OU SANS, MAIS JAMAIS CONTRE ». Quelle hérésie, franchement.
***
Le régime politique atroce d'aujourd'hui, producteur de guerres et de massacres en tout genre, nous vient de la contre-révolution platonicienne et des idées anti-démocratiques de Platon.
On sait que les idées anti-démocratiques de Platon, lui venaient principalement de ses ressentiments à l'égard de cette démocratie athénienne qui tua Socrate.
Mais Socrate n'était-il pas le plus fameux des polémistes de tous les temps ?
Notre régime de guerres d'aujourd'hui, nous viendrait donc de ce que les athéniens, eux-mêmes, ont rencontré leurs propres limites dans la bonne tenue et le respect du polémos démocratique.
Nous avons donc du boulot...
Une dernière chose sur ce sujet : on dit que la déesse Athéna, protectrice de la Cité démocratique d'Athènes, était, entre autres, la déesse de la guerre.
Est-ce que cela ne signifie pas qu'elle était la déesse du polémos démocratique ?
et que c'est en cela qu'elle protégeait justement la Cité ? A creuser.
En attendant : choisissez donc votre polémos, et le type de courage que vous préférez rechercher dans votre vie...
*****
Pour illustrer ce propos, outre des références athéniennes et présocratiques, y'a deux citations d'Alain et une de Ricoeur qui vont très bien :
« Il faut penser à la politique ; si nous n’y pensons pas assez nous serons cruellement punis. (…) Personne ne fait les lois. Elles se font. De quoi je conclus, (…) que chacun est législateur pour sa part, et en toute matière, par la moindre de ses pensées. La vraie Paix ainsi se fera, si chacun suit tranquillement sa propre idée ; mais la Guerre, au contraire, si chacun veut accorder sa pensée à celle de son voisin. » p. 336. Alain
« Laisser ce qui divise, choisir ce qui rassemble, ce n’est point penser. Ou plutôt c’est penser à s’unir et à rester unis ; c’est ne rien penser d’autre.» Tous ces êtres collectifs perdent l’esprit pour chercher l’union.» Alain
« Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage » Ricoeur
[Ajout le 30/03] : Michel Foucault considère que « la politique est la guerre continuée par d'autres moyens » paraphrase retournée de la formule de Clausewitz : « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ».
P.S. : Et puis Thucydide : « Il faut choisir, se reposer ou être libre. »
P.S. 2 : Le terme de polémique ne devrait donc pas être péjoratif.
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