La « pyramide participative » de Porto Alegre (*1)
Acteur essentiel de la démocratie participative à travers laquelle les citoyens font valoir les choix qu'ils entendent voir mis en œuvre et dont est garant l'exécutif local.
"Au Brésil, l’histoire de l’élaboration et de l’exécution des budgets publics est celle de graves déformations liées à la concentration du pouvoir, au gaspillage des ressources, au clientélisme politique et à la corruption." (Raul Pont *(2))
A lire ces lignes de Raul Pont, on peut ligitimement s'interroger sur la situation de la France qui est régulièrement pointée du doigt sur ces sujets là.
Cette pyramide participative est divisée en trois grands niveaux :
1 - le niveau micro-local,
2 - le niveau sectoriel et thématique,
3 - au sommet, le Conseil du Budget participatif (COP).
À l'instar d'un budget municipal classique, son rythme de cycle de réunions est annuel.
1 - le niveau micro-local :
Au niveau micro-local, les réunions sont ouvertes à tous les citoyens, et constituées à leur initiative, de manière à débattre des projets et problèmes de quartier, et par la suite faire part de revendications et de projets d'investissements souhaités au niveau supérieur des assemblées plénières par l'envoi de délégués (dont le nombre sera fonction de la participation aux réunions).
2 - l'échelle sectorielle et thématique :
Dans chaque secteur de la ville, ce sont les assemblées plénières qui prennent le relais pour synthétiser, et hiérarchiser les propositions émises au niveau micro-local sous formes de matrices primaires où sont désignés quatre priorités parmi treize postes budgétaires (éducation, habitat, voirie…).
Cette première matrice vise à répartir les investissements par service de l'administration municipale.
Les assemblées plénières élisent en leur sein :
a - des délégués qu'elles envoient dans les forums,
b - des conseillers au budget participatif pour décider dans l'organe du C.O.P..
Les forums sont constitués, soit :
- par secteur géographique de la ville
- par thèmes pour les problématiques qui impliquent une politique à l'échelle de la ville :
Circulation et transports, Santé et assistance sociale, Culture, Education et loisirs, Développement urbain et social…
Au sein de ces forums, il s'agit à ce stade de discuter, de débattre des projets d'investissements du secteur ou du thème.
De matérialiser les orientations choisies par le biais de matrices budgétaires conçues selon trois critères formalisés :
- les priorités établies par les habitants,
- les carences en services et équipements de bases,
- la population.
Ces trois critères font appel respectivement à des logiques de :
- de majoritaires-démocratiques,
- de justice distributive,
- de technique.
Chacun de ces trois critères est pondéré et vient coefficienter les postes budgétaires de manière à représenter la volonté des citoyens, et la politique de redistribution.
3 - Le Conseil du Budget participatif (COP), le sommet pyramidal de la prise de décision.
Le C.O.P. constitue le lien avec l'exécutif :
1- il vote et amende les matrices budgétaires,
2 - il synthétise à l'échelle municipale les attributions budgétaires par secteurs et par postes.
3 - Il débat aussi des autres postes budgétaires : salaires des fonctionnaires, dépense de fonctionnement…
C'est ainsi au niveau des C.O.P. qu'est réellement établi un budget qu'avalisera l'exécutif.
Le C.O.P participe à la planification à moyen termes des investissements municipaux :
Mais le rôle du C.O.P. est aussi de préparer les budgets des années suivantes puisque c'est en son sein et avec la participation du G.A.P.L.A.N. (institution émanant de l'exécutif ayant pour objet la planification à moyen termes des investissements municipaux) que sont définies les procédures de fonctionnement du budget participatif, cela constitue un rôle essentiel.
Une remise en question de la démarche depuis 2005, lors du renouvellement de l'exécutif :
Tout ceci a été sensiblement remis en question par la défaite électorale du Parti des travailleurs qui avait mis en place le système, et l'arrivée, le 1er janvier 2005, du nouveau maire, José Fogaça, aux affaires politiques de la cité.
La nouvelle gestion exécutive municipale est moins favorable à ce type de fonctionnement.
A l'époque de la direction PTiste impliquait environ 10 % de la population adulte de Porto Alegre.
4 - Du budget participatif à la maîtrise citoyenne des dépenses publiques :
Cette partie est largement repris de l'article de Raul Pont (*2) et Rebecca Abers (*3) avec quelques transformations de la part de l'auteur du blog.
"L'aventure débuta en 1989 avec la naissance du budget participatif :
la municipalité élue l’année précédente créa un système innovant et révolutionnaire de formulation et d’accompagnement du budget municipal. C’était la pièce maîtresse d’une série de mesures visant à créer ou à renforcer des structures de participation et de délibération pour :
a - la gestion publique du budget et des politiques sectorielles,
b - l’élection des directeurs et des conseillers éducatifs dans le réseau des établissements scolaires municipaux.
Dans le budget participatif, ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui tranchent : c’est la population elle-même qui, au travers d’un mécanisme maintenant bien rodé de débats, de consultations et de décisions, définit le montant des recettes et des engagements financiers, décide où seront effectués les investissements et selon quelles priorités.
La participation populaire a favorisé l’efficacité de la dépense publique :
Les participants exercent un contrôle réel sur les décisions du gouvernement : presque toutes les dépenses approuvées durant le processus du budget participatif ont été mises en œuvre à un moment donné, même si elles le furent parfois avec un certain retard. (*3)
La participation populaire a favorisé les plus pauvres :
Chaque année, de 10 000 à 15 000 mille personnes (1,3 millions d'habitants) assistent aux assemblées du Budget participatif.
Les participants sont plus pauvres que la population générale et la vaste majorité d’entre eux croient que le gouvernement respecte leurs décisions.
Les secteurs plus pauvres de la ville ont été privilégiés du fait d'un changement dans la répartition des ressources publiques car leurs habitants s’engageaient plus massivement dans le processus que ceux des secteurs de classe moyenne (*3)
En dix ans, les projets décidés dans ce cadre ont
entraîné des investissements de plus de 700 millions de dollars. Selon les années, ces investissements ont représenté entre 15 % et 25 % des rentrées fiscales, le reste étant utilisé pour les salaires des fonctionnaires et l’entretien de la machine administrative. Au fil de la décennie écoulée, ce sont les travaux d’assainissement qui ont été prioritairement retenus. Aujourd’hui, pratiquement tous les foyers ont accès à l’eau potable et, de 1989 à 1997, la fraction de la population bénéficiant du tout-à-l’égout est passée de 46 % à 74 %. Des progrès comparables ont été enregistrés dans l’éclairage public, la voirie, le logement, la santé et l’éducation.
Ainsi [...] la gestion démocratique et transparente des ressources est le meilleur moyen d’éviter la corruption et les malversations.
De même, la preuve a été apportée que les mécanismes pratiques de participation - même s’ils ne touchent encore qu’une petite partie de la population - et l’engagement des autorités municipales à faire ce que les habitants ont décidé jouent un rôle fondamental pour construire une citoyenneté active et mobilisée et ainsi briser les barrières bureaucratiques entre la société et l’Etat.
Ce qui compte le plus finalement c'est qu’à Porto Alegre les habitants sont au fait des affaires publiques, qu’ils décident sur elles, devenant ainsi chaque jour davantage des acteurs de leur propre avenir. ( *2)
( 1 ) - http://fr.wikipedia.org/wiki/Porto_Alegre
( 2 ) - Raoul Pont, ancien maire de Porto Alegre http://www.monde-diplomatique.fr/2000/05/PONT/13718.html
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