Pour une démocratie directe locale

Face à la mutation sociétale en cours : l'élévation de nos démocraties

Différences de politique économique entre des démocraties directes actuelles et des d. représentatives

- moins de dépenses publiques pour les collectivités territoriales
- moins d’impôts levés et moins d’endettements publiques
- moins de fraude fiscale,
- une plus grande efficacité économique mesurée au produit intérieur brut par habitant

L'auteur de ce billet ne partage pas les idées d'économie capitaliste libérale de Mr Yvan Blot. Cependant, l'éditeur de ce billet estime que les arguments apportés ici apportent un éclairage de ce que peut engendrer une démarche locale appelée ici démocratie direct comme c'est le cas en Suisse et certains contés Etats Uniens. La démocratie directe présentée comme telle par Mr Blot, et souvent reprit ainsi par les médias, n'est pas considéré comme tel par l'auteur de ce billet.

En effet, pour l'auteur,
la démocratie locale Suisse est
une
démocratie représentative participative
avec une participation ponctuelle
par consultation directe de type référendaire
.


Etudes sur les différences de politique économique entre le système de la démocratie directe et celui de la démocratie purement représentative :


Les études empiriques brièvement présentées (voir URL de la source de cet article) montrent que :

- les collectivités territoriales publiques dépenses moins,

- lèvent moins d’impôts

- et s’endettent moins en démocratie directe.


De même, il y a moins de fraude fiscale, et l’efficacité économique mesurée au produit intérieur brut par habitant est plus grande en démocratie directe.

Ces différences de politique financière publique entre la démocratie directe et la démocratie représentative sont nettes et incontestables.

Quelles en sont les causes ?


La démocratie représentative est fondée en science économique sur l’idée de division du travail. Les citoyens s’épargnent un effort d’information lorsqu’ils confient l’administration de leurs intérêts à des spécialistes appelés politiciens. Comme dans les relations entre un médecin et son patient 2, le citoyen ne peut cependant pas abdiquer tout pouvoir dans les mains de ses représentants au parlement car il court alors le risque que l’on prenne des décisions en dehors de ses intérêts. Dans la démocratie représentative, les politiciens doivent se justifier périodiquement devant leurs électeurs. Des possibilités de veto comme avec le référendum financier donnent aux citoyens un moyen de contrôle supplémentaire entre deux élections.


Cette fonction de contrôle n’est pas affectée par la complexité de la décision à prendre. On a pu constater une bien meilleure information du citoyen lorsqu’il peut participer par la démocratie directe que ce soient pour les cantons suisses ou pour les référendums d’adhésion à l’Europe ou sur les traités avec l’union européenne (étude de Benz et Stutzer de 2004). Le citoyen arrive à saisir le cœur du sujet à traiter par des indicateurs et des références généraux, surtout quand il reconnaît les différents intérêts en cause. Les citoyens se servent de « raccourcis d’information » dans l’initiative des lois.


Lupia et Johnston en 2001 ont montré que les citoyens sont correctement informés même si les politiciens sont mal informés ou transmettent des informations biaisées. La concurrence fait apparaître ces biais qui deviennent sans effets. Nicholson en 2003 montre à travers 78 initiatives californiennes de 1956 à 2000 que les citoyens sont sensibilisés à ces initiatives par des canaux multiples et obtiennent ainsi une foule d’informations.
Kirchgässner et Schulz ont par ailleurs montré dans une étude sur 142 référendums et initiatives en Suisse de 1881 à 1999 que les citoyens votent d’autant moins pour un projet
qu’ils le trouvent très complexe.


Les preuves empiriques dont nous disposons nous conduisent à noter que les citoyens prennent des décisions raisonnables lorsqu’il s’agit de politique financière. Leur façon d’évaluer les questions de fond en politique n’est pas très différente de ce que font les consommateurs lorsqu’ils décident de consommer ou d’investir sur un marché. Les citoyens s’informent aisément sur les questions importantes soumises à référendum parce que la
concurrence entre les différents groupes livre une information adaptée à leurs besoins. C’est encore plus vrai pour les questions de finances publiques parce que les mesures politiques sont exprimées en valeurs financières et qu’il est plus facile dès lors de comparer les termes des alternatives. La procédure parlementaire ne garantit aucunement que la politique financière sera plus éclairée.


Pourquoi le contrôle direct des citoyens sur les représentants a-t-il du sens ? Dans une démocratie directe pure, la majorité simple doit permettre dans l’idéal d’appliquer la volonté de l’électeur médian. En démocratie représentative il y a beaucoup de raisons pour que la décision en matière de dépenses s’éloigne des souhaits de la majorité simple des électeurs et donc des préférences de l’électeur médian. Il y a essentiellement deux raisons pour cela.


La première vient des intérêts propres des politiciens au gouvernement et au parlement qui s’éloignent des préférences des citoyens en raison d’un processus défaillant de sélection dans leurs orientations idéologiques. Ces déviations par rapport aux préférences des citoyens sont très nettes quand il s’agit de réaliser des projets de prestige ou d’accroître les coûts de l’action gouvernementale. Dans de tels cas, les gouvernants comme les parlementaires perdent souvent le contact avec les réalités. Le risque de faire des dépenses éloignées des préférences des citoyens est potentiellement fort en démocratie représentative.


La deuxième cause de déviations est l’influence de la technocratie administrative et des groupes d’intérêts. L’administration a un avantage sur le parlement et le gouvernement
en termes d’informations sur l’évaluation des coûts des prestations publiques. Elle peut profiter de cet avantage pour surévaluer les postes budgétaires et se créer une marge de
manœuvre. Comme chez les politiciens, l’attrait du prestige, du pouvoir et du traitement joue un grand rôle. Ces facteurs du côté de l’offre du processus politique jouent avec la demande des groupes d’intérêts à la recherche de privilèges (situations de rentes). Les groupes d’intérêt et les administrations, notamment les administrations de tutelle, qui sont en contacts fréquents, travaillent en si étroite collaboration que les autorités deviennent les avocats des groupes d’intérêts. Les intérêts de petits groupes homogènes réussissent mieux en politique pour trouver des situations de rentes, ce qui fait que les intérêts particuliers triomphent.


Le « allmendeproblem » apparaît en relations avec l’influence des groupes de pression, du jeu des partis au parlement, surtout en cas de coalitions, des compétences spécifiques
des différents ministères : chaque lobby, chaque parti (dans une coalition), chaque membre du gouvernement cherche à tirer du budget le maximum d’avantages pour sa clientèle. Quand cela réussit, l’utilité des dépenses se concentre en un point alors que les coûts sont dispersés sur l’ensemble des contribuables. Comme ces incitations sont permanentes pour les lobbies, les partis et les ministres, le budget général va être hautement sollicité, les dépenses seront plus fortes que ce que le citoyen souhaitait et le déficit budgétaire et l’endettement public vont s’envoler.
Le processus parlementaire des échanges de voix va aboutir à ce que les intérêts particuliers seront favorisés au détriment du bien commun.
3 Une coalition de partis au gouvernement réalise un tel processus d’échange de voix par lequel un groupe politique cherche le soutien des autres groupes politiques pour ses propres projets en échange de son soutien aux projets des autres 4.
Ce processus d’échanges de voix est par contre très limité dans le cas de la démocratie directe
5.


La question de l’influence des groupes de pression dans la démocratie directe reste à voir. Par rapport aux mécanismes vus ci-dessus, on espère que les droits politiques populaires, notamment le référendum financier, limite l’influence excessive des lobbies. Tout dépend si les groupes d’influence arrivent à leurs fins dans les votes. On pourrait penser que des
groupes financièrement forts pourraient influencer les résultats des référendums financiers en leur faveur. Une étude générale de Lupia et Matzusaka de 2004 montre ce qu’il en est des initiatives législatives aux USA : les groupes financièrement puissants ont plus de pouvoir que les autres pour faire échouer une initiative. Mais il apparaît difficile, même avec des moyens financiers importants, de faire adopter un projet par le peuple. Il en est de même en Suisse. Comme Kirchgässner et Schulz l’ont montré dans une étude de 2005, un franc investi contre un projet lors d’un référendum, a deux fois plus d’effets qu’un franc
investi pour soutenir un projet. 6


En résumé, on peut ainsi préciser le rôle de la démocratie directe à la suite de ces études scientifiques empiriques : elle est un instrument très efficace de sélection des projets ou de veto lorsque les décisions politiques vont à l’encontre des préférences des citoyens. Les droits politiques directs des citoyens corrigent les décisions politiques dans la direction des préférences des citoyens.


Conclusions :


la démocratie directe n’est certainement pas la panacée pour résoudre tous les problèmes économiques et politiques. Mais si elle est si efficace que les études empiriques présentées
ci-dessus le montrent, la Suisse devrait être un pays ayant une politique économique réussie.

Les résultats sont contrastés :
en comparaison internationale, le revenu par habitant très élevé et le bas taux de chômage contrastent avec un taux de croissance faible depuis 1990.

Certains accusent le fédéralisme et la démocratie directe de ce dernier résultat.


Certes, il y a beaucoup de réglementations en Suisse. Certains pensent que la démocratie directe aurait des bons résultats dans les cantons et les communes mais pas au niveau fédéral. Aux USA, la démocratie directe n’existe qu’aux niveaux locaux. Certains voudraient supprimer la démocratie directe au niveau fédéral en Suisse, alléguant que les bons résultats au niveau cantonal et municipal ne sont pas transposables à ce niveau.


On n’a aucune étude empirique sur l’efficacité de la démocratie directe au niveau fédéral. Il ne serait pas impossible que les résultats à ce niveau soient autres. Mais comment le
prétendre ?


On dit que le référendum facultatif (celui qui a un effet de « veto) est utilisé par les groupes de pression pour empêcher des réformes au niveau fédéral. Pourtant, la démocratie directe
est bien plus développée aux niveaux cantonal et communal et si abus il y a, ce devrait plutôt être à ces niveaux. Pourquoi les résultats à ces niveaux seraient-ils plus acceptables ? On pourrait dire que c’est à ce niveau que se fait une redistribution des revenus qui gêne la compétitivité de l’économie. Mais c’est faux car une partie considérable de la politique de redistribution des revenus en Suisse est décentralisée et que la Suisse ne fait pas plus de redistribution que les autres pays européens qui n’ont pas la démocratie directe. Cette crainte nous paraît totalement infondée. Quand on examine bien les résultats économiques de la démocratie directe d’après les études empiriques, on arrive plutôt à la conclusion que celle-ci est insuffisante au niveau fédéral. Contrairement aux niveaux cantonaux et municipaux, il n’existe pas au niveau fédéral en Suisse de référendum financier.


Un article de Lars Feld 7 et Gebhard Kirchgässner 8, traduit de l’allemand par Yvan Blot 9



Notes de bas de page


  1. En l’occurrence, cette initiative n’a pas obtenu le nombre de voix nécessaire lors du référendum qui a suivi et a donc échoué.
    Berlin prévoit de construire un nouvel aéroport ultramoderne loin
    de la ville à Schönefeld. (NDT)

  2. Comparaison délicate car le niveau de qualification du médecin par rapport à son patient est sans commune mesure avec le niveau du politicien
    face au citoyen (lequel peut le surpasser en qualification
    universitaire ou surtout expérimentale). De plus, l’intérêt de
    carrière du médecin est d’acquérir une grande réputation en
    guérissant ses clients ; l’intérêt de carrière du politicien
    peut diverger assez nettement de l’intérêt du citoyen dans la
    mesure où c’est le parti et les lobbies qui y sont liés qui font
    largement la carrière du politicien. (NDT)

  3. C’est pourquoi la « majorité silencieuse » a le sentiment durable d’être sacrifiée quelque soient les résultats des élections
    (NDT)

  4. En économie, ce phénomène existe aussi avec les accords de cartels pour réduire la concurrence au détriment du consommateur. Ici, les accords
    politiques se font au détriment de la majorité des contribuables.
    (NDT).

  5. Celle-ci est donc plus favorable aux majorités

  6. Une étude de Hermann Heussner parue dans « Mehr direkte Demokratie wagen » (oser plus de démocratie directe ; Olzog Verlag ; Munich, 2009)
    montre page 152 que l’influence de l’argent reste limité : par
    exemple, la proposition 188 de 1994 en Californie, qui
    voulait réduire la réglementation anti-tabac a échoué par 70%
    des voix. Or, l’industrie du tabac avait dépensé 19
    millions de dollars et les adversaires de cette initiative 1,3
    seulement. Les efforts financiers dans les campagnes référendaires
    réussissent à bloquer des projets mais pas à les promouvoir s’ils
    sont impopulaires. (NDT)

  7. Lars Feld est docteur ès sciences économiques ; professeur à l’université de Heidelberg (Allemagne) et membre du conseil
    scientifique auprès du ministre fédéral des finances, président
    de « European Public Choice Society » et éditeur de la
    revue « Perspektiven der Wirtschaftspolitik », membre du
    « Kuratorium für mehr Demokratie »

  8. Gebhard Kirchgässner est docteur en sciences sociales, professeur de sciences économiques et d’économétrie, directeur de l’institut
    suisse de recherche économique appliquée à l’université de
    Sankt Gallen (Suisse) ; de 2004 à 2007 président de la
    commission des questions conjoncturelles au Conseil des ministres
    (Bundesrat) ; depuis 2008, président de la société suisse de
    sciences économiques et de statistiques, membre du « Kuratorium
    für mehr Demokratie »

  9. Yvan Blot et docteur ès sciences économiques. Son livre « Herbert Spencer, un évolutionniste contre l’étatisme » a obtenu le grand prix du livre libéral
    en 2007 ; Ancien parlementaire et membre d’un grand corps
    d’inspection de l’Etat, il est président de l’association
    pour le développement de la démocratie directe à Paris.

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