Démocratie Athénienne, un enseignement faussé ..

[tinsmar]

Le grand foutage de gueule de l'enseignement de la démocratie athénienne

Sylvain Rochex, 11 juin 2013

CVUH. L'enseignement de la démocratie athénienne a été très longtemps (et toujours parfois) axée sur l'idée d'une continuité entre le contemporain et le modèle athénien pour les démocraties libérales occidentales du XXe siècle .

SYLVAIN ROCHEX. Eh bien si c'est le cas, j'y vois une erreur magistrale, fort bien décortiquée par Cornélius Castoriadis. 

Entre la démocratie athénienne de l'époque de Périclès et de Démosthène et la suite, il y a pourtant bien eu une "contre-révolution" platonicienne et donc une totale RUPTURE et non une continuité.

Et ce que de nombreux enseignants appellent frauduleusement : "démocraties libérales" sont pour n'importe quel philosophe politique classique des "oligarchies libérales" (c'est-à-dire qu'il y a une vraie inversion du sens des mots).

Ne pas enseigner cette rupture originelle où les idées antidémocratiques de Platon l'ont emporté en occident à rebours complet de l'expérience du IVème et Vème siècle athénien, me pose une grave question.

Mon approche est empirique et simplement basée pour l'instant sur un vécu relativement long mais pas n'importe lequel : 

Chercheur autonome en transformation sociale et en démocratie, je me suis intéressé de près (comme beaucoup de gens en ce moment, et comme les révolutionnaires de 1789 et certains penseurs des "Lumières" !) à la Démocratie athénienne.

Je me suis mis à en parler quotidiennement à beaucoup de monde, dans beaucoup de circonstances, auprès de publics très variés. Et cela m'a amené comme je vous le disais à effectuer une sorte de mesure empirique du socle commun, de la culture générale des gens sur ce sujet.

Je me suis simplement aperçu d'une chose : des moues et des réactions négatives à l'évocation de "la démocratie athénienne" dans au moins 9 cas sur 10. "Les esclaves athéniens" étant le plus symptomatique ("l'exclusion des femmes de la vie politique" en numéro deux). Souvent les gens ne savent pratiquement rien de cette période de l'histoire mise à part le fait que les athéniens avaient des esclaves.

En effet, il est facile d'observer des réflexes, des automatismes, très clairs, dans les réponses formulées.

Le sujet de "la démocratie athénienne" nous amène presque toutes les fois, et à très grande vitesse, sur le fait que les athéniens avaient des esclaves, qu'ils excluaient les femmes des instances démocratiques, qu'ils ont tué Socrate, qu'ils mélangeaient la religion et la politique. Bref, que des clichés négatifs qui rentrent particulièrement en opposition avec la culture contemporaine et qui ont plutôt tendance à choquer et à provoquer du rejet. 

Le schéma est TOUJOURS le même : Discussion sur la transformation sociale, sujet de la démocratie, sujet de la démocratie directe, germe athénien donné comme exemple et argument.

Puis, réplique avec dédain : "Pffff, vous parlez d'une démocratie !! Ils avaient des esclaves et les femmes...".

Ensuite, quand je sonde sur d'autres savoirs éventuels que les gens pourraient détenir sur le sujet, il n'y en a souvent aucun.

L'esclavage est malheureusement une constante de l'humanité.

A cette époque, c'était une norme culturelle en de très nombreux points du globe.

Et l'esclavage n'a pas été une condition ni nécessaire ni suffisante à la démocratie athénienne. 

Ce n'est donc pas historiquement le fait marquant, puisqu'on peut tout autant parler de l'esclavage existant dans les autres cités ou en d'autres régions de la Terre. 

Non, le fait historique marquant objectif, c'est bien la démocratie directe,

• avec la souveraineté de l'assemblée populaire, 
• le tirage au sort, 
• l'activité politique intense de tous les citoyens,
• la participation au pouvoir de tous les citoyens,
• les mandats courts et non renouvelables,
• la rotation des charges, 
• la révocabilité des magistrats, 
• la place politique accordée au théâtre, 
• la reddition des comptes, 
• les contrôles populaires, etc. etc.

C'est cela qui est marquant et qui n'a justement pas de continuité par rapport à nous, au contraire, à cause de la contre-révolution platonicienne, puis de l'échec de la révolution française de 1789 concernant le projet d'autonomie.

Le socle commun (qui n'est ni "négatif", ni "positif") sur ce sujet, devrait donc être la démocratie directe et l'autonomie des athéniens, plutôt que les esclaves et l'exclusion des femmes de la vie politique (qui n'ont rien d'exceptionnels sur cette période historique).

Or, le socle commun apparent d'aujourd'hui est constitué essentiellement de choses qui sont choquantes par rapport à la culture actuelle ou qui rassurent sur une fausse continuité justement.

- Des esclaves ? Mon Dieu !

- Exclusion des femmes ? Quel peuple d'arriérés bon sang ! 

- Mélange religion et politique ? Quelle bande de nuls, ils ne connaissaient même pas la laïcité ! 

- Ils ont tué le plus grand philosophe de tous les temps ? Les Salauds ! Leur système démocratique était moins bon que le notre !

- Périclès ? Ben voilà, nous on a Hollande, eux ils avaient Périclès !

Ainsi, pourquoi ensuite aller s'intéresser aux techniques de démocratie directe qu'ils utilisaient brillamment ? 

Pourquoi s'intéresser à ce que faisaient d'intelligent et peut-être d'utile pour nous, de tels "barbares" !?

Non, il y a vraiment un usage public de l'enseignement de la démocratie athénienne 

au service de

l'oligarchie libérale et de la ploutocratie.