Pour une démocratie directe locale
Face à la mutation sociétale en cours : l'élévation de nos démocraties
Ils sont hauts fonctionnaires, ministres, secrétaires d'Etat, patrons, journalistes et forment, selon notre invité, "l'oligarchie des incapables".
Bonnes écoles, hopitaux de qualité, services rendus... Une poignée de privilégiés cumule les coupe-files dans tous les secteurs de la vie quotidienne.
Sophie Coignard explique, dans les Choix de France Info, que, par exemple, Arnaud Lagardère et Karl Lagerfeld auraient bénéficié d'un service "VIP" à la cellule fiscale du ministère des Finances.
Il existe dans ce système de privilèges un amalgame fort entre intérêt général et intérêt privé. Le phénomène est certes ancien mais il semble indécent, selon l'auteur, au vu de la situation économique de la France. La déconnexion entre résultats et compétences est flagrante. Par exemple, l'ancien patron de l'AFSSAPS (l'Autorité du médicament qui aurait longtemps ignoré le problème du Mediator) a été promu secrétaire général à l'Education Nationale.
La volonté de Sophie Coignard est de faire prendre conscience de ce problème au plus grand nombre, afin que le sujet s'invite dans le débat présidentiel.
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Il pouvait difficilement confirmer avoir prononcé une telle phrase. De notre côté, bien évidemment, nous maintenons.
http://elevons-niveau-nos-democraties.ning.com/forum/topics/l-oliga...
Il faut davantage de transparence. Un exemple : il existe une commission de déontologie chargée d'encadrer le passage des fonctionnaires du secteur public vers le secteur privé. Mais celle-ci manque de moyens réels et surtout ne donne qu'un avis. Elle n'a aucun moyen de suivre la carrière sur le long terme de ceux qu'elle a entendus ni de vérifier que ceux-ci se conforment à ses avis. Il faudrait donc commencer par renforcer ses pouvoirs et son rôle. Davantage de transparence dans la vie publique est aussi nécessaire. Mais les résistances sont nombreuses. Dans notre livre, nous racontons notamment comment beaucoup d'experts de la santé sont en situation de conflit d'intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques. Nous racontons aussi comment plusieurs députés de l'actuelle législature ont tenté de renforcer la transparence sur le patrimoine et les revenus des parlementaires. Leur initiative a été balayée par leurs pairs.
L'acceptent-ils vraiment ? Il est vrai que le mouvement des Indignés, qui a prospéré dans beaucoup de pays d'Europe, et même aux États-Unis, n'a connu qu'un succès relatif en France (sauf en librairie...). Ce qui est sûr, les études de l'ONG Transparence International ou du Médiateur de la République en 2010 le montrent, c'est que la défiance des Français pour les responsables politiques nationaux est impressionnante. Mais leur confiance reste intacte dans les élus locaux et vis-à-vis des administrations qui concernent leur vie quotidienne (justice, police, etc.).
Nous racontons comment en Allemagne, en 2003, le chancelier Gerhard Schrödera choisi, en sachant qu'il perdrait sans doute les élections, de faire un "Agenda 2010", constitué de grandes réformes douloureuses, tandis que la France choisissait de continuer à s'endetter.
Notre livre est d'abord une enquête. Mais au terme de celle-ci, nous arrivons à cette conclusion : en période de crise, au moment où le pays doit gérer son immense dette publique sous l'oeil des marchés financiers et faire des réformes très importantes dans l'urgence, le comportement et l'action de ceux qui gouvernent le pays ou exercent des responsabilités dans l'administration et dans les entreprises doivent être exemplaires.
Pour nous, c'est l'irruption de l'argent au début des années 1980 qui a tout changé. Les nationalisations ont entraîné pas mal de bouleversements. Avant 1981, le capital des entreprises privées était "gelé". Les nationalisations ont permis à de grandes familles, jusque-là actionnaires de grandes entreprises, de disposer de liquidités importantes. Les banques d'affaires ont alors vécu leurs plus belles années, d'autant qu'elles ont aussi beaucoup travaillé dans la séquence politique suivante, en 1986-1988, lors des privatisations. C'est aussi au début des années 1990, sous la gauche, que la dette publique française a été monétisée et "commercialisée" sur les marchés financiers. Quant aux rémunérations des cadres dirigeants, elles se sont envolées. Ce phénomène a conduit de nombreux hauts fonctionnaires à rejoindre le secteur privé, d'autant qu'au même moment, le service de l'intérêt général est devenu beaucoup moins prestigieux. Un chiffre en dit long : en 1989, la feuille d'impôt de Jacques Calvet était publiée. On y apprenait que le patron de Citroën gagnait 40 fois le smic. Aujourd'hui, un grand patron gagne au bas mot 400 fois le smic.
La France est un pays si centralisé économiquement et administrativement que les contre-pouvoirs sont moins nombreux qu'ailleurs. Prenons l'Allemagne, les syndicats sont très puissants, parfois actionnaires de grandes entreprises. Les politiques nationaux doivent composer avec le poids des Länder. Les grandes entreprises sont proportionnellement moins nombreuses qu'en France et les grosses PME beaucoup plus performantes. Il existe de grands groupes de presse indépendants. Le recrutement de la haute fonction publique est beaucoup plus diversifié que chez nous, etc. Cela n'évite pas les collusions des intérêts privés et publics, les renvois d'ascenseur, etc., mais cela les limite davantage. Autre exemple : les pays scandinaves et leur exigence de transparence.
Il est vrai que si l'on prend les rémunérations des grands patrons qui ont flambé ces dernières années et sont aujourd'hui déconnectées des réalités, ainsi que les justifications de ceux qui en bénéficient, on tombe souvent des nues. Dans notre livre, nous avons recensé certaines d'entre elles, qui illustrent cette coupure, cet aveuglement.
Ces dernières années, plusieurs petites avancées ont eu lieu. Prenons la nomination du président de la Cour des comptes qui n'appartient pas à la majorité. Ou encore le choix, pour la commission des Finances du Sénat et de l'Assemblée, de deux présidents qui n'appartiennent pas aux majorités respectives des deux chambres. Mais ce sont des exceptions. En Grande-Bretagne, la désignation des patrons d'entreprise publique ou même de certains directeurs d'administration est beaucoup plus transparente. Le concept de République irréprochable, qui n'est pas neuf, devrait sans doute être réellement mis en place. Il faut sans doute renforcer davantage les instances chargées de contrôler les passages public-privé.
Nous n'attaquons pas les élites sur le mode du "tous pourris". Il faut des responsables politiques, des chefs d'entreprise, des hauts fonctionnaires. Mais au moment où l'on demande des efforts au pays, pour rester crédibles, ces élites doivent être irréprochables pour ne pas nourrir le ressentiment. Nous avons d'ailleurs dressé le portrait dans le livre de certains hauts fonctionnaires, des "résistants", pour qui le service public, le service de l'intérêt général, reste une priorité, une colonne vertébrale, une vocation. Ce ne sont pas des "moines soldats" du service public. Ils sont très bien rémunérés. Mais leur motivation professionnelle ne repose pas sur la seule rémunération. Dans l'entreprise aussi, de tels parcours existent. Celui de Louis Gallois, qui estimait que sa seule rémunération (déjà très importante) était suffisante et qu'il n'avait pas besoin de stock-options, est singulier.
Le sentiment de déclassement est effectivement un phénomène tout à fait nouveau dans la société française. Il y a encore quinze ans, chacun pouvait espérer que le sort de la génération suivante s'améliorerait. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Et le sentiment de frustration qui en découle est dévastateur.
« L’oligarchie des incapables », le livre de Sophie Coignard et Romain Gubert, dresse le tableau peu reluisant de cette oligarchie française "fossilisée", symptomatique (et responsable) d’une véritable déliquescence démocratique.
S’il en fallait un pour défendre l’oligarchisme à la française, ce ne pouvait être qu’Alain Minc... Pour cet essayiste, proche conseiller de Nicolas Sarkozy et désormais président des autoroutes Sanef [1], « la France est un pays plutôt vertueux », en comparaison des Etats-Unis, de l’Italie, de la Grande-Bretagne, etc. C’est ce qu’il explique à Patrick Bonazza dans Le Point [2].
Extrait :
« Le Point : Que pensez-vous du livre de Romain Gubert et Sophie Coignard ?
Alain Minc : C’est un livre qui exprime un populisme talentueux. Il aurait beaucoup gagné à décrire comment se comportent les élites dans d’autres pays. Par exemple, comment aux États-Unis le lobbying peut être destructeur. Comment dans ce pays, grâce à l’entremise d’un vice-président, Dick Cheney en l’occurrence, la firme Halliburton a obtenu sans appel d’offres les marchés de l’armée américaine en Irak. Les États-Unis sont aussi ce pays où la Cour suprême a supprimé toute limite au financement des partis politiques. J’aurais eu plaisir à lire aussi que, en Grande-Bretagne, la "mère de la démocratie", la Chambre des lords est affermée aux donateurs des deux grands partis. Ou qu’en Allemagne la carrière de Helmut Kohl s’est conclue par un immense scandale. Et je passe sur l’Italie. En comparaison, la France est un pays plutôt vertueux. J’ajouterai que l’analyse de nos deux rédacteurs sur les élites médiatiques est un peu faiblarde. J’aurais volontiers ajouté un chapitre à leur livre sur les drôles de moeurs de la tribu journalistique. »
Alain Minc a raison sur un point (il n’a pas tort non plus sur les moeurs de la tribu journalistique... [3]) : le comportement des élites dans les pays qu’il cite, est pour le moins condamnable et détestable. Mais de là à en déduire que les élites françaises seraient plutôt vertueuses en comparaison, c’est vraiment se foutre du monde (de là à en déduire que Minc est un expert quand il s’agit de se foutre du monde...).
D’ailleurs, pour se convaincre de l’hypocrisie de Minc, il n’est pas inutile de lire cet extrait de la présentation du livre par François de Closets [4] :
« Sophie Coignard et Romain Gubert ne dissertent pas. D’une histoire à la suivante, ils décrivent, ils racontent et nous offrent une traversée assez ahurissante de la haute société française. À nous d’en tirer les conclusions. Ce petit monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles, les mêmes clubs ou sur les mêmes coups. Public-privé, gauche-droite, les frontières s’estompent. Il s’agit d’abord d’occuper les places et de faire fortune. Car la cupidité est reine. Les uns cumulent les mandats et les charges, empilent les salaires, les autres ajoutent de généreuses rémunérations à une retraite dorée, voici les parlementaires qui se font avocats, les avocats qui se font agents d’influence. Avec, en prime, l’argent public toujours disponible pour faire des affaires. L’oligarchie défend ses privilèges en refusant la disparition des grands corps de l’Ena, en s’opposant à la taxation des oeuvres d’art, elle assure son impunité en étendant le secret-défense, en réduisant le pôle financier de la justice et en retardant le jugement de certaines affaires. Les fautes ne sont jamais sanctionnées et l’incompétence se voit toujours récompensée par un recasement, un parachute doré ou une retraite royale. »
L’article donne également un aperçu, plus que parlant, des façons de faire du petit monde oligarchique français. Vous pourrez y lire des extraits du livre qui épinglent ces quelques individus :
Quand Schweitzer fait la quête
Erik Orsenna, n’oubliez pas l’artiste...
Dov Zerah, l’énarque de Neuilly
Henri de Castries assure... pour lui
À la santé de Jean Marimbert
Bienveillant Jean-Claude Marin
Les folies de Richard
Philippe Marini, businessman, avocat et... sénateur
Si la cupidité était une vertu, alors on pourrait dire que cette caste est très vertueuse...
[1] Challenges - Alain Minc nommé patron des autoroutes Sanef - 14/12/2011 : « L’économiste français Alain Minc, un des proches conseillers du président Nicolas Sarkozy, a été nommé président des autoroutes Sanef, a annoncé mercredi 14 décembre le groupe espagnol d’infrastructures et de services Abertis, maison mère de Sanef.
"Le conseil d’aministration de Sanef, filiale française d’Abertis, a donné aujourd’hui son feu vert à la nomination d’Alain Minc comme nouveau président de la société, en remplacement de Pierre Chassigneux, qui prendra sa retraite après avoir occupé ce poste depuis 2003", a précisé le groupe dans un communiqué.
Alain Minc est déjà présent au conseil d’administration de deux entreprises espagnoles, la banque catalane CaixaBank et le groupe de médias Prisa, qui édite notamment le quotidien El Pais.
Sanef (société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France), qui exploite 1.757 km de voies -dont les autoroutes du réseau Paris-Normandie (SAPN)-, appartient à Abertis depuis sa privatisation en 2006. La société a réalisé un chiffre d’affaires de 1,47 milliard d’euros en 2010 et emploi 3.600 collaborateurs. »
[2] Le Point - Alain Minc : "La France est un pays plutôt vertueux" - 06/01/2012
[3] 20 minutes - Vous avez interviewé Romain Gubert pour son livre « L’oligarchie des incapables » - 05/01/2012 : « Nous avons un chapitre “Des medias si gentils” qui aborde ce point particulier. Mais vous avez raison : certains journalistes perdent le sens de ce qui fait le sel de ce métier, l’indépendance, et préfèrent la connivence avec les politiques ou les responsables d’entreprise. Mais à mon sens, le principal problème réside dans le fait que, contrairement à ce qui se passe ailleurs, les médias appartiennent souvent à de grands groupes industriels et n’ont pas les moyens de laisser leurs journalistes travailler pendant plusieurs semaines sur des enquêtes. Or, le temps est la chose la plus importante pour pouvoir faire de l’investigation. Avons-nous été inquiétés au Point ? Non. Pas du tout. Ce journal est en bonne santé financière, ce qui permet de travailler sérieusement et dans de bonnes conditions. (...) »
[4] Le Point - Les secrets inavouables de la caste - 06/01/2012
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