Pour une démocratie directe locale
Face à la mutation sociétale en cours : l'élévation de nos démocraties
Origine de l'article : Jacques Girardot
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Il n’y a jamais eu d’ambiguïté sur les pouvoirs du Président de la République et ceux du Premier ministre dans la Ve République, ou de dyarchie au sein de l’exécutif. Ceux qui ont prétendu le contraire avaient déjà en tête le régime présidentiel totalitaire actuel et cherchaient un moyen pour y parvenir.
Pour résumer, les deux schémas ci-après représentent l’évolution du pouvoir exécutif de 1958 à aujourd’hui et montrent que nous sommes à présent dans une dictature illégitime où l’État de droit n’a plus sa place.
Table des matières
Mais que se passe-t-il en France? L’Allemagne et l’Angleterre connaissent le plein emploi ou presque. Or, chez nous, le chômage ne fait qu’augmenter, de plus en plus de personnes font les poubelles pour se nourrir, notre société s’est divisée, et le Front national est arrivé au second tour de la dernière présidentiel. Plus rien ne tourne rond dans notre pays et nous sommes nombreux à être très inquiets pour l’avenir.
Le problème vient-il de l’incompétence de nos responsables politiques? Cependant, ces derniers ont tous suivi de brillantes études adaptées à leurs fonctions. Est-ce une question de conjoncture économique mondiale? Mais, si cela était vrai, alors pourquoi les pays comparables au nôtre comme l’Angleterre ou l’Allemagne ne connaissent-ils pas le chômage? Au contraire, ils font appel aujourd’hui à de la main-d’œuvre étrangère pour subvenir à leurs besoins. Avons-nous fait une erreur en 2012 en élisant François Hollande? Mais, Nicolas Sarkozy qui était son seul adversaire n’avait pas brillé durant son mandat, le chômage ne fit qu’augmenter. François Hollande était donc un choix évident pour beaucoup.
La France s’est autant dégradée avec Nicolas Sarkozy qu’avec François Hollande. Sauf qu’entre 2007 et 2012, nous étions, de fait, en meilleure situation. Ainsi nous pensons maintenant que Nicolas Sarkozy était un peu meilleur que François Hollande. Le même phénomène se produit avec Jacques Chirac que certains regrettent aujourd’hui. Nous avons oublié qu’il avait atteint, lui aussi, une cote de popularité désastreuse de seulement 15 %, lors de son dernier mandat. Il n’a donc pas fait mieux que François Hollande. En fait, depuis 30 ans, la France se détériore et nous regrettons périodiquement nos anciens présidents, car simplement la Nation se portait mieux et nous avions plus de libertés quand ils étaient au pouvoir, malgré les dommages qu’ils causaient. Emmanuel Macron ne va sans doute pas déroger à cette règle. Aujourd’hui, sa popularité ne tient que par la propagande organisée autour de sa personne et sur ses facultés extraordinaires de persuasion.
Aujourd’hui, des artistes comme Coluche, Desproges et d’autres ne pourraient plus s’exprimer à moins, comme Renaud, d’embrasser un flic et de changer leurs discours vis-à-vis de nos dirigeants. À présent, les médias nous prennent pour des enfants. Ils nous racontent continuellement qu’il y a autour de nous de méchants croquemitaines qui veulent nous manger tout cru, mais qu’heureusement nos dirigeants sont là pour nous protéger et nous montrer le chemin. Ainsi, nous devons les écouter attentivement et leur obéir, car ils savent, contrairement à nous, ce qui est bon pour nous et ce qui ne l’est pas. Même le ton des présentateurs des journaux télévisés à changer. Celui-ci est rempli selon le sujet, d’empathie, de compassion, d’étonnement, de tristesse, de dégoût, de joie… comme si le journaliste s’adressait à des enfants. L’émotion est omniprésente et ne laisse plus aucune place à la raison. Enfin, depuis quelques années, les médias et nos responsables politiques ne s’associent plus à nous et parlent de nous à la troisième personne du pluriel, ou nous appellent «Les Français», comme si nous étions des sujets de laboratoire sur lesquels on fait des mesures, des manipulations ou des expériences : «30 % des Français pensent qu’il faudrait travailler moins…»; «20 % des Français ne se lavent pas les dents...»; «17 % des Français mangent trop»; «Il faut que les Français soient plus gentils avec leur président»… Cette façon de nous considérer révèle le peu d’estime à notre égard qu’ont ces gens qui nous informent, nous influencent et nous dirigent.
Depuis quinze ans, nos présidents de la République nous sont imposés. En 2002, nous avions à décider entre le Front national et le président sortant, car la gauche qui était alors au Gouvernement n’avait fait qu’aggraver la crise et plus personne ne croyait en elle. Ainsi, notre choix s’imposait de lui-même. En 2007, il fallait décider entre un candidat de droite ultra-médiatisé, soutenu par son parti, et une candidate PS qui n’a cessé de se ridiculiser durant sa campagne et qui fut, de plus, dénigrée par son camp. Quant au candidat centriste, il eut bien du mal à se faire entendre derrière le battage médiatique organisé autour des deux favoris. Les jeux étaient donc faits d’avance. En 2012, nous devions choisir entre un président sortant qui venait de faire un million de chômeurs supplémentaires et dont la cote de popularité était descendue bien en dessous des 30 %, le Front national, et un candidat de gauche paraissant sympathique qui nous promettait monts et merveilles. Là aussi, il n’y avait pas photo. En 2017, nous avions le choix entre un candidat de droite soupçonné d’emplois fictifs, le Front national dont la candidate s’était ridiculisée entre les deux tours et un jeune candidat à la carrière fulgurante, se présentant comme n’étant ni de droite ni de gauche. Encore une fois, les dés étaient pipés.
Or, avant 1995, les partis politiques proposaient au moins deux candidats sérieux à chaque élection présidentielle et nous avions l’impression de choisir. Les duels Giscard d’Estaing contre Mitterrand ou Mitterrand contre Chirac avaient du sens. Que s’est-il passé?
Pour comprendre, il nous faut revenir aux fondements de notre République que nous avons oubliés, ou plutôt que l’on nous a fait oublier en trente ans. Connaissons-nous notre Constitution? Combien d’entre nous l’ont lue? Dans les écoles, on ne parle d’elle que pour évoquer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais, les articles traitant du fonctionnement de nos Institutions ne sont jamais évoqués. À la place, il est présenté aux enfants une «Pratique institutionnelle» partant du postulat que le Président de la République est le chef absolu de l’exécutif. Les élèves doivent l’apprendre par cœur sans poser trop de questions. Enfin, la presse et les partis politiques nous font croire que notre Constitution est un texte compliqué que seuls des érudits comme «les sages du Conseil constitutionnel» sont à même de décrypter. Or, la Ve République a été votée par tous les Français et elle fut bien comprise en son temps, à en croire nos parents et les articles de journaux de l’époque.
Nous ne sommes pas plus idiots que nos ancêtres. Nous aussi, nous sommes capables de comprendre notre Constitution et c’est ce que je vous propose ici, en quelques pages. Nous verrons ainsi pourquoi les partis politiques, les médias et l’Éducation nationale s’évertuent à nous la cacher ou à en faire une chose inaccessible. Enfin, nous découvrirons que la crise que nous traversons n’a rien à voir avec la conjoncture économique, contrairement aux idées que l’on nous inculque.
Avant d’étudier notre Constitution, nous allons, en quelques mots, rappeler les principes de la démocratie et ceux de la dictature.
Une démocratie est un régime politique inventé il y a deux mille ans dans lequel les pouvoirs de la nation sont séparés et appartiennent au peuple. Il y a trois pouvoirs :
- Le pouvoir législatif qui vote les lois.
- Le pouvoir exécutif qui applique les lois et en propose de nouvelles.
- Le pouvoir judiciaire qui contrôle l’application des lois et sanctionne ceux qui ne les respectent pas.
Ainsi, en démocratie, chacun de ces pouvoirs doit être gouverné par des représentants élus du Peuple ou les personnes nommées par ces derniers. De plus, ils doivent être séparés par des institutions distinctes. Dans la Constitution française, le pouvoir législatif est détenu par le Parlement, le pouvoir exécutif est partagé entre le Gouvernement et le Président de la République, et le pouvoir judiciaire est tenu par les tribunaux de justice.
Mais les conditions ci-dessus ne suffisent pas pour qu’un système politique soit une démocratie. En effet, si les institutions sont laissées sans contre-pouvoir, elles pourront abuser de leurs pouvoirs. Par exemple : le Parlement pourra voter des lois en faveur de ses membres, rien ne l’empêchera; le Gouvernement pourra abuser de son pouvoir pour accorder des privilèges à certaines personnes en échange d’argent ou d’autres avantages; et les juges pourront également ignorer des preuves ou des lois, afin de satisfaire le plus offrant. La corruption est dans la nature humaine et s’il n’y a pas de contrôle, elle s’empare rapidement du système.
Montesquieu a écrit : «C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. [...] La vertu même a besoin de limites.» [L’esprit des lois, livre 11, chapitre 4]
Le Peuple ne peut pas vérifier si ses institutions abusent de leurs pouvoirs. En effet, il faudrait qu’il nomme une autorité supérieure. Mais, celle-ci ne pouvant être contrôler, elle abuserait de sa supériorité pour subvertir les autres pouvoirs et, à terme, une dictature naîtrait. Donc, créer un pouvoir pour contrôler les autres est extrêmement dangereux.
Ainsi, la seule façon de prévenir la corruption est que les institutions puissent se contrôler mutuellement afin que celle qui abuse de ses pouvoirs soit empêchée par les autres. Montesquieu a exprimé cette nécessité comme suit : «Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » [L’Esprit des Lois, livre 11, chapitre 4]
- Le Parlement contrôle le Gouvernement et peut le destituer;
- Le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale;
- Le Parlement peut destituer le Président de la République;
- Les magistrats sont supervisés par le Président de la République assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.
Ainsi, chaque pouvoir est surveillé par au minimum un autre pouvoir.
Enfin, la dernière condition pour qu’un régime soit une démocratie est que l’État de droit et les droits de l’homme soient respectés. Cela signifie en premier lieu que la Constitution de la nation soit scrupuleusement respectée.
L’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 nous dit : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Cela signifie également que toute société dans laquelle il n’y pas de Constitution ne peut assurer la garantie des Droits ni la séparation des pouvoirs et n’est donc pas une démocratie.
La dictature est un régime politique où tous les pouvoirs sont dans les mains d’un même individu, le dictateur. Il peut être élu ou non, cela ne change rien. En règle générale, tout système politique qui n’est pas une démocratie, est une dictature ou le devient rapidement.
La dictature moderne fera croire qu’elle est une démocratie pour ne pas tomber sous le coup des lois internationales sur les Droits de l’homme. Ainsi, elle ne cessera de répéter qu’elle est à l’écoute des citoyens, qu’elle ne vise que leur bien-être et qu’elle est très attachée aux valeurs démocratiques. Sur la scène internationale, elle défendra les Droits de l’homme plus que n’importe quel autre pays.
Elle déploiera donc tous ses efforts à se dissimuler tout en cherchant à accroître insidieusement ses pouvoirs sur le peuple. De fait :
- Elle installera un climat de peurs dans la société pour rendre les citoyens plus dociles. Peu importe les objets de ces peurs, car c’est l’angoisse qu’elles engendrent sur la population qui est ici recherchée. Celle-ci pénètre insidieusement dans le mental des individus et les rend craintifs, obéissants et corvéables. Hitler utilisait la peur des Juifs, celle de la guerre. Staline avait opté pour la peur de la répression, des goulags et des services de renseignements. Mais, tout cela est beaucoup trop voyant. La dictature moderne préfère utiliser des peurs qui ne la mettent pas en cause, comme la peur du réchauffement climatique, du chômage, de la crise économique, de la montée de l’extrême droite, la crainte de l’immigration, des pesticides, des OGM, de la pollution, du terrorisme… Ce ne sont pas forcément de grandes peurs comme celles qu’employaient les dictatures précédentes, mais l’angoisse qu’elles génèrent chacune sur les individus se cumule pour finalement aboutir au même résultat, voire mieux encore.
- La dictature moderne, comme toute dictature, cherchera à appauvrir le peuple et diminuer son savoir1, car des gens pauvres et peu instruits sont plus faciles à gouverner. Ainsi, elle dépensera sans retenue l’argent public ce qui aura pour effet d’accroître l’impôt et le chômage, et elle rendra son système d’éducation inefficace, par exemple, en le réformant continuellement de façon arbitraire.
- La dictature moderne cherchera également à diviser la population. Ainsi, elle favorisera certaines minorités afin que celles-ci finissent par être rejetées par le reste de la communauté. Elle s’en prendra à d’autres comme les fumeurs, les personnes en surpoids, ou les chômeurs en les accusant de coûter cher à la société. Par le biais d’associations se disant caritatives qu’elle subventionnera, elle canalisera l’entre-aide pour que plus personne ne se porte secours spontanément. Cela aura également l’avantage de donner une image humaine aux dirigeants du régime et d’éviter que les pauvres se révoltent.
- La dictature développera ses moyens de renseignements pour identifier au plus tôt toutes personnes dissidentes susceptibles de la compromettre. Plus ses services seront efficaces, plus la répression sera discrète et isolée, car elle pourra être déclenchée avant même que le réfractaire rassemble des foules. Ainsi, cela fait plusieurs années que l’État français enregistre toutes les conversations électroniques : téléphones, réseaux sociaux, email, et autres, sur des serveurs informatiques mis à la disposition des services de renseignements intérieurs. La nouvelle loi sur le renseignement n’a fait que légaliser une pratique instaurée depuis longtemps. Le terrorisme n’est qu’un prétexte pour accroire cette surveillance.
- La dictature moderne contrôlera la presse. C’est même la première chose dont elle s’occupera. Cependant, contrairement aux anciennes dictatures, cela ne prendra pas la forme d’une censure autoritaire, mais d’une autocensure qui se sera installée en rapprochant le milieu politique de celui de la presse autour d’intérêts communs. Ainsi, la presse devient le vecteur de la propagande du régime et en contrepartie elle obtient des scoops qui lui permettent de prospérer. Ces derniers ont deux objectifs :
1. Permettre au pouvoir politique de se séparer d’éléments indésirables.
2. Préparer le terrain en vue de mettre en place de nouvelles lois plus restrictives.
- Enfin, pour manipuler l’opinion, les dirigeants utiliseront les méthodes modernes de propagande développée dès les années 1920 et qui sont aujourd’hui très largement rependues. Edwards Bernays qui fut un précurseur dans ce domaine les décrit parfaitement dans son livre PROPAGANDA édité en 1927 intitulé également «Comment manipuler l’opinion en démocratie». Je vous invite à lire cet ouvrage qui permet de mieux comprendre le comportement nos responsables politiques. En 1927, tous les grands principes avaient déjà été découverts et expérimentés et ce que nous vivons aujourd’hui n’est autre que leur application.
Quand l’information est maîtrisée, et l’opinion sous contrôle, il n’y a plus besoin de Goulag ou de prisons politiques. Le dissident n’a plus aucun moyen de s’exprimer. Et quand bien même il le ferait, il serait vite catalogué adepte de la Théorie du complot et donc peu recommandable.
Ainsi, pour déterminer avec certitude si un régime politique est une démocratie ou une dictature, il est nécessaire d’identifier qui dirige et contrôle les pouvoirs. Si une même personne gouverne au moins deux pouvoirs, le principe de séparation des pouvoirs ne sera pas respecté et le régime sera une dictature. Si le troisième pouvoir est encore indépendant des autres, il ne le restera pas longtemps.
Par conséquent, si le Président de la République dirige le Gouvernement et qu’en même temps, il est le chef de la majorité parlementaire, le régime sera une dictature et le pouvoir judiciaire sera également contrôlé par pouvoir politique, même si les juges semblent toujours être indépendants. Cela peut sembler surprenant, mais c’est une réalité. En effet, pour imposer son autorité sur le pouvoir judiciaire, le Président passera, par exemple, une loi qui l’autorisera à décider de la carrière des juges. De cette façon, il aura un moyen de pression sur le pouvoir judiciaire lui permettant d’obtenir ce qu’il veut des magistrats. Pour que cela ne soit pas voyant, il passera une autre loi qui rendra les juges inamovibles. Cette dernière n’aura aucun impact, mais elle donnera un argument au régime pour faire croire en l’indépendance de la Justice.
Ainsi, la démocratie est un système politique très vulnérable. Sa plus grande faiblesse est la corruption, car celle-ci brise l’indépendance des pouvoirs et transforme rapidement la démocratie en dictature. De plus, comme le rappelle Montesquieu : «La corruption de chaque gouvernement commence presque toujours par celle des princes». [L’Esprit des lois, livre 8, chapitre 1]. Ce qui la rend encore plus dangereuse.
Nous allons maintenant examiner le fonctionnement de la cinquième République sur la base des définitions que nous venons de voir. Ensuite, nous verrons la pratique actuelle des partis politiques.
La Constitution française a été proposée par le général de Gaulle et approuvée par référendum le 24 septembre 1958. Son fonctionnement est assez simple, comme nous le verrons. Pour le comprendre, nous commencerons par le discours du général de Gaulle lors de la présentation officielle de la Constitution le 4 septembre 1958 :
«Qu’il existe au-dessus des querelles politiques, qu’il existe un arbitre national élu par les citoyens qui ont un mandat public, qui soit chargé d’assurer le fonctionnement régulier des institutions, qui ait le droit de recourir au jugement du Peuple souverain et qui réponde en cas d’extrême péril de l’indépendance, de l’intégrité, de l’honneur de la France et du salut de la République.
Qu’il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas par rien d’autre de sa tâche, et qui ainsi mérite l’adhésion du pays.
Qu’il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la Nation, à voter des lois, à contrôler l’exécutif, mais sans sortir de son rôle...
Que le Gouvernement et le Parlement collaborent, mais restent séparés dans leurs responsabilités. Aucun membre de l’un ne pouvant en même temps être membre de l’autre.
Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir, le reste c’est l’affaire des hommes.»
La Ve République est donc ce que l’on appelle un régime parlementaire, car c’est le Parlement qui représente la volonté politique de la Nation. Celui-ci contrôle l’action du Gouvernement et approuve sa politique. En cas de désaccord, il le destitue. Le Parlement vote également les lois.
Le Gouvernement a pour mission d’élaborer la politique de la Nation et de la mettre en œuvre, sous le contrôle du Parlement. Il assure également le respect des lois.
Quant au Président de la République, il est ici l’arbitre chargé d’assurer le fonctionnement régulier des institutions. C’est-à-dire qu’il doit faire en sorte qu’il n’y ait pas de blocage ou de contentieux entre le Gouvernement et le Parlement. Il doit également s’assurer que le Parlement représente toujours la volonté politique des Français et que les membres du Gouvernement sont à même de produire une politique qui sera approuvée par le Parlement. Pour assurer sa mission, le Président de la République dispose de pouvoirs lui permettant de dissoudre l’Assemblée nationale, de choisir le Premier ministre, d’approuver le choix des ministres, et d’organiser des référendums.
En cas de crise majeure mettant en péril l’intégrité de la Nation, le Président de la République prend tous les pouvoirs.
Enfin, le chef de l’État est le garant de l’indépendance de la justice et veille au respect de la Constitution.
Ainsi, pour tenir son rôle, le Président de la République doit avoir toute la confiance des Français et partager leur vision sur l’avenir du Pays. Sur lui repose notre démocratie, le respect de la Constitution et les choix les plus importants pour la Nation. Il doit donc être le représentant de TOUS les Français et défendre leurs intérêts avant tout. Il ne peut donc pas appartenir à un parti politique qui, par définition, ne représente qu’une partie de la population. C’est pour toutes ces raisons qu’il est élu, depuis 1962, au suffrage universel sur sa sincérité, son sens de l’intérêt commun, sa fermeté et ses ambitions pour la France.
Voici les articles de la Constitution qui décrivent ce que nous venons de voir :
Article 5
«Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État…»
Article 6
«Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct...»
Article 8
«Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.»
Article 12
«Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale...»
Article 11
«Le Président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.»
Article 16
«Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances,»
Article 20
«Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation…
Il est responsable devant le Parlement…»
Article 21
«[Le Premier ministre] assure l’exécution des lois»
Article 24
«Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques...»
Article 50
«Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement.»
Article 64
«Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.»
Ainsi en temps normal, les Français choisissent la politique pour leur Nation lors de l’élection des députés sur la base de leur programme électoral. Ensuite, le Président de la République, comme arbitre, choisit un Premier ministre issu de la majorité parlementaire qui devra alors composer un gouvernement et une politique susceptible d’être approuvée par l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale, quant à elle, se prononce sur la politique du Gouvernement et contrôle l’action de ce dernier. Elle vote les lois que le Gouvernement lui propose et le destitue si elle désapprouve sa politique par une procédure appelée motion de censure. Le Sénat n’a qu’un rôle consultatif, il ne décide de rien.
En cas de changement d’opinion des Français, ou si l’Assemblée nationale n’est plus en mesure de faire son travail du fait, par exemple, de querelles entre partis politiques, alors le Président de la République la dissout. De nouvelles élections législatives sont alors organisées et à l’issue, un nouveau gouvernement est nommé.
En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Parlement, ou pour un projet qui impacte fortement la Nation, le Président de la République peut interroger les Français en organisant un référendum.
Voilà le fonctionnement de la Ve République tel qu’il est écrit dans la Constitution française et tel qu’il nous a été expliqué en 1958 par le général de Gaulle et la presse, comme le montre l’article du Parisien libéré du 5 septembre 1958 ci-dessous :
Le Parisien libéré du 5 septembre 1958
Cependant, en pratique, ces principes ne sont pas toujours applicables notamment pour gérer des situations critiques, ou pour les affaires étrangères où la continuité et le secret sont des éléments importants. Dans ces cas particuliers, le Premier ministre accepte de se mettre au service du Président de la République qui lui dicte alors la politique à mener. Les affaires ainsi traitées directement par le chef de l’État sont appelées communément le domaine réservé du Président de la République. Celui-ci dépend des circonstances, mais inclut toujours les affaires étrangères et l’Armée qui, par la Constitution, reviennent au chef de l’État, comme le montrent les articles ci-dessous. Le domaine réservé du général de Gaulle fut essentiellement la politique étrangère, l’armement et l’Algérie.
Article 5
«[Le Président de la République] est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.»
Article 15
«Le Président de la République est le chef des armées.»
Article 52
«Le Président de la République négocie et ratifie les traités.»
En dehors des affaires étrangères et de la direction des armées, ce fonctionnement particulier où le chef de l’État dirige la politique doit cependant rester marginal, car, d’une part, il n’est pas celui que les Français ont choisi et, d’autre part, il compromet la démocratie. En effet, quand le Président de la République impose sa politique, il devient, de fait, un dictateur. Les députés élus pour représenter la volonté du Peuple sont obligés de se soumettre, car le chef de l’État a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale si celle-ci s’oppose à lui. Il peut également faire usage de l’article 49-3 lui permettant de faire adopter une loi sans consentement du Parlement. Donc, quand le Président de la République décide de la politique, il n’y a plus de démocratie, car les pouvoirs législatif et exécutif sont dans les mains d’une même personne et ne sont ainsi plus séparés.
Cela n’est pas gênant en soi, si le domaine réservé du chef de l’État reste limité. En effet, ce sont les Romains qui, les premiers, ont instauré la dictature dans leur démocratie lorsque la voie démocratique, souvent longue et difficile, ne pouvait pas répondre à une situation d’urgence. Ainsi, ils nommaient, sur le périmètre concerné et pour une durée limitée, un dictateur qui disposait alors de tous les pouvoirs pour régler le problème. C’est de là que vient le terme dictateur. Le domaine réservé du Président de la République reprend donc cette idée à la différence qu’il ne fixe aucune limitation de durée et que le chef de l’État est toujours le dictateur. Cette légitimité provient de l’article 16 qui prévoit qu’en cas de situation extrême où la Nation est menacée, le Président de la République devient alors le seul chef à bord.
Article 16
«Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances…»
Pour éviter que le Président de la République abuse de son autorité supérieure en dehors de ces périodes d’extrême gravité et étende ainsi son domaine réservé à l’ensemble de la politique de la Nation afin de devenir un monarque absolu, la Constitution prévoit plusieurs dispositions :
L’article 4 impose aux partis politiques de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. De fait, si le Président de la République compromet l’un de ces principes, alors les partis doivent le dénoncer.
Article 4
«[Les partis et groupements politiques] doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.»
L’article 68 permet au Parlement de destituer le Président de la République si celui-ci manque à ses devoirs constitutionnels.
Article 68
«Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour…»
De fait, si un Président de la République impose de façon abusive sa politique au Gouvernement, alors les partis politiques doivent le dénoncer publiquement et le Gouvernement démissionner, celui-ci ne pouvant plus définir sa politique comme lui demande la Constitution. Si cela ne suffit pas, le Parlement devra alors engager une procédure de destitution à l’encontre du chef de l’État, suivant l’article 68.
Notre Constitution est donc bien construite. Elle tolère que le Président de la République puisse s’octroyer un domaine réservé au-delà des affaires étrangères et de l’Armée, pour répondre à des situations spécifiques, dans la mesure où celui-ci ne remet pas en cause la démocratie parlementaire telle qu’elle est inscrite à la Constitution. C’est aux partis politiques, au Gouvernement et au Parlement de fixer cette limite.
Enfin, le Président de la République est également le garant de l’indépendance de la Justice. Ainsi il nomme tous les magistrats à leurs fonctions. Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature composé de seize magistrats, d’un avocat et de six personnes extérieures nommées par le Président de la République et les présidents des deux assemblées du Parlement. Celui-ci traite les procédures disciplinaires et propose les nominations des magistrats au chef de l’État.
Article 64
«Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature…»
La Ve République respecte donc parfaitement les principes d’une démocratie à savoir que chaque pouvoir et séparés et tous se contrôlent mutuellement. Le tableau ci-dessous récapitule cet équilibre :
Cependant, il y a une condition indispensable pour que cela fonctionne correctement : il faut absolument que le Président de la République n’appartienne à aucun parti politique. En effet, si un même parti détenait la présidence de la République, le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale, alors le chef de l’État ne serait plus surveillé et il pourrait étendre son domaine réservé à l’ensemble de la politique nationale et à la Justice. La France deviendrait alors une dictature.
Le général de Gaulle avait, à plusieurs reprises, alerté de ce danger. Par exemple, en 1965, lors d’un entretien télévisé avec Michel Droit, il tenait un discours ne laissant aucun doute sur les conséquences dramatiques pour la Nation que représenterait un chef d’État appartenant à un parti politique :
«Si, à la place de ce chef d’État qui est fait pour empêcher que la République ne retombe à la discrétion des partis, on met un chef d’État qui n’est que l’émanation des partis, alors, je vous le répète, on n’aura rien fait du tout, et tout ce qu’on aura écrit dans la Constitution ne changera rien à rien. On en reviendra à ce qui était avant, avec, peut-être, quelques formes légèrement différentes, mais on en reviendra au Gouvernement — si tant est qu’on puisse l’appeler comme ça — des partis. Et ce serait, j’en suis sûr, comme j’en ai toujours été sûr, une catastrophe nationale.»
Par conséquent, jusqu’en 1981, les présidents de la République, une fois élus, s’efforçaient de rester indépendants des partis et laissaient, en dehors de son domaine réservé, le Gouvernement déterminer la politique de la nation, comme le montrent les discours ci-dessous :
Édouard Balladur le 27 septembre 2008
Colloque Sciences Po
«Il se trouve que l’expérience a fait que j’ai été le collaborateur d’un Premier ministre qui était Georges Pompidou à l’époque où de Gaulle présidait l’État, qu’ensuite, j’ai été auprès de Pompidou chef de l’État et puis qu’ensuite, j’ai moi-même eu des fonctions gouvernementales, donc j’ai pu apprécier les choses et de Gaulle, par exemple, laissait largement gouverner son Premier ministre, il s’occupait des choses essentielles, il tenait tous les trois mois un conseil restreint sur la politique économique et puis il recevait du monde, il s’informait.»
Michel Debré Émission «Question de temps» du 8 janvier 1979, sur Antenne 2
«J’étais effectivement principal collaborateur du général de Gaulle pour les questions qui relevaient, par la force des choses, de lui-même. Mais que j’étais pour le travail législatif, pour le travail gouvernemental et pour la grande œuvre économique et financière, un responsable dont j’oserais dire un responsable aux mains libres.»
Valery Giscard d’Estaing le 25 août 1976 sur TF1
Journaliste : «Monsieur le Président, de ce nouveau gouvernement, quelle nouvelle politique attendez-vous?»
VGE : «Je n’ai pas à décrire cette politique, ce serait tomber dans le reproche que vous me faisiez tout à l’heure. C’est le Gouvernement qui va l’élaborer. Ce gouvernement sera constitué, je pense, dans la soirée de vendredi. Il devrait être à même de se réunir samedi et il se mettra au travail.
Il devra en quelques jours, définir, préciser la politique qu’il entend suivre. Mon rôle est de tracer les objectifs de cette politique.»
« Après m’être largement informé auprès des organisations professionnelles et syndicales, j’ai proposé au président de la République et au Gouvernement une politique, celle-ci ne comporte ni artifice ni pari. Elle repose sur cette idée simple que pour redresser durablement notre économie et pour stabiliser la valeur de notre monnaie il est indispensable de mener une action globale est continue dont les premiers résultats devraient être enregistrés à la fin de 1977 »
En outre, jusqu’en 1981, les partis politiques réagissaient lorsqu’ils considéraient que le chef de l’État étendait son domaine réservé au-delà des limites acceptables.
Par exemple, en 1979, François Mitterrand déclarait alors qu’il était le chef du Parti socialiste :
«Il me semble que sous la Ve République, le Président s’arroge les pouvoirs dont devrait disposer le Premier ministre, et le Premier ministre devient de plus en plus le commis des décisions du Président de la République. Il y a donc un formidable ABUS, qui montre bien que l’inclination naturelle des institutions présentes, ou plutôt de la façon dont on les applique, c’est une tentation vers la monarchie.»
Le 25 août 1976, Jacques Chirac démissionnait de son poste de Premier ministre, car il estimait que le Président Giscard d’Estaing ne lui laissait pas suffisamment de moyens pour gouverner.
Or, après 1981, plus aucun parti n’a reproché au Président de la République d’étendre son domaine réservé et il est même maintenant admis que le chef de l’État détermine la politique de la Nation, qu’il dirige le Gouvernement et qu’il soit en même temps le chef de majorité parlementaire. Tous les contre-pouvoirs ont donc disparu.
Cela devait arriver, car la Ve République donnait dans l’ensemble satisfaction aux Français. De fait, la droite qui avait soutenu le général de Gaulle gagnait systématiquement les élections et cela aurait pu durer encore longtemps. Ainsi, l’opposition se trouvait lésée. Par ailleurs, les partis n’étaient pas maître du jeu, car le président disposait de pouvoirs supérieurs et celui-ci devait rester neutre. Ainsi, en 1981, François Mitterrand et Jacques Chirac firent en sorte que la gauche prenne le pouvoir et impose un nouveau régime plus équitable pour les partis où ces derniers disposeraient de tous les pouvoirs.
En agissant ainsi, les partis ont tout gagné, ils obtenaient la présidence de la République et ils étaient en même temps déchargés de leur responsabilité. En effet, les députés de la majorité présidentielle se contenteraient d’approuver les projets de loi venant de l’Élysée, et ceux de l’opposition de voter contre. De fait, les parlementaires sont aujourd’hui payés à ne rien faire, ou presque. Cela se traduit par un taux de présence de seulement 15 % à l’Assemblée nationale lors des votes des amendements et de 40 % en moyenne aux commissions parlementaires.
La seule préoccupation d’un député ou d’un sénateur aujourd’hui est d’être réélu. Ainsi, il passe son temps à se montrer dans sa circonscription et à faire parler de lui dans les médias. C’est la belle vie.
Cependant, pour en arriver là, il a fallu tromper les Français. C’est ainsi qu’a été inventé, par François Mitterrand, le «Programme de gouvernement». Ce programme électoral n’avait absolument rien de constitutionnel, mais donnait un prétexte au Président de la République pour prendre définitivement la tête du Gouvernement, lorsqu’il serait élu.
Jusqu’alors, les programmes des candidats à la présidentielle proposaient de grandes ambitions pour la France, conformément aux principes de la Constitution. Par exemple, en 1981, Valéry Giscard d’Estaing avait listé une dizaine d’objectifs, sans expliquer en détail comment y parvenir, car il appartenait au futur Gouvernement et au Parlement de définir la politique adéquate. Or, lors de la même campagne électorale, François Mitterrand, quant à lui, avait listé 110 mesures très précises et numérotées que le Gouvernement n’avait plus qu’à appliquer. Il avait ainsi nommé son projet : 110 propositions pour la France. Ce principe de programme présidentiel qui ne laissait dorénavant plus aucune liberté au Gouvernement fut ensuite repris par tous les candidats aux élections suivantes.
Ainsi, après François Mitterrand, dans l’esprit des Français, le Président de la République est devenu celui qui définissait la politique de la Nation et le Premier ministre, son commis. Quant aux députés, tout le monde a oublié qu’ils avaient pour mission essentielle de représenter la volonté politique de la Nation. Ainsi, leur rôle s’est réduit, pour nous, à soutenir le Président de la République. Nous nous en sommes donc progressivement désintéressés et l’abstention aux élections législatives n’a cessé de croître pour passer de 15 % en 1978 à 51,5 % en 2017.
Il y eut, par la suite, trois périodes dites de cohabitation où le Président de la République n’avait plus de majorité au Parlement. Ainsi, il n’avait donc pas d’autre choix que de laisser le nouveau Gouvernement issu de son opposition établir sa propre politique, sans quoi les Français l’auraient traité de dictateur.
Ces situations se produisaient régulièrement, car le mandat du chef de l’État étant de sept ans et celui des députés de cinq ans, il y avait systématiquement des élections législatives durant un mandat présidentiel. Les Français pouvant changer d’opinion politique entre-temps, l’Assemblée nationale était susceptible de changer de bord et de devenir ainsi opposée au parti du Président de la République.
Pour pallier ce problème, en 2000, Jacques Chirac demanda aux Français, par référendum, de réduire le mandat du Président de la République à cinq ans, en expliquant que cela permettrait d’améliorer la démocratie, car le peuple serait ainsi plus souvent écouté. Les grands partis soutinrent son discours. Cependant, en rendant identiques la durée du mandat des députés et celle du mandat présidentiel, et en faisant en sorte que les élections législatives aient lieu dans la foulée de l’élection du chef de l’État, ce dernier obtiendrait une large majorité à l’Assemblée nationale et la garderait tout son mandat. Il suffisait pour cela que la presse et l’ensemble de la classe politique martèlent qu’il serait extrêmement dangereux que le président de la République ne dispose pas d’une majorité absolue pour mettre en œuvre son programme. De fait les Français voteraient majoritairement pour le parti du Président de la République.
En 2002, l’élection présidentielle eut donc lieu en mai et les législatives en juin, et tous les cinq ans, le même scénario se répéta. Le Président de la République régna alors sur le Gouvernement et sur le Parlement sans aucune restriction, son parti disposant dorénavant de la majorité absolue à l’Assemblée nationale comme montre le graphe ci-dessous. La Ve République était alors définitivement morte et enterrée avec la démocratie.
Ensuite, l’alternance permettant à chaque parti d’avoir sa part s’est instaurée d’elle-même. Il suffisait que les Présidents de la République appliquent une politique désastreuse. Ainsi, naturellement le parti au pouvoir devenait très rapidement impopulaire et l’opposition gagnait la présidentielle suivante. Et ainsi de suite.
La seule exception fut en 2007, où Nicolas Sarkozy succéda à Jacques Chirac du même parti. En effet, la droite avait perdu deux ans de présidence avec le quinquennat par rapport au Parti socialiste qui était resté, avec François Mitterrand, quatorze ans à la tête de l’État. Il fallait donc, je présume, rétablir l’équilibre. Ainsi, le PS désigna une candidate et ne la soutint pas durant sa campagne. Les médias, quant à eux, s’efforcèrent de diriger les projecteurs vers le candidat de droite.
Le graphe ci-dessous représente la popularité des différents présidents de la République durant leur mandat. Il apparaît clairement une rupture à partir de 2002, date de mise en application du quinquennat et de l’instauration, de fait, du régime présidentiel illégitime actuel. Si, avant 2002, la popularité des chefs de l’État ne descendait pas en dessous des 30 % et fluctuait en fonction des événements, celles des trois derniers présidents de la République montrent un profil identique avec une baisse régulière de la confiance des Français pour arriver bien en dessous des 30 %.
Source TNS-Sofres
Aujourd’hui, pour que personne ne soupçonne que la Constitution française n’est plus respectée, les partis politiques utilisent plusieurs moyens :
1. Ils imitent les campagnes présidentielles américaines en organisant des primaires avec de grands meetings et des débats entre candidats. Par conséquent, les Français croient qu’ils sont dans une démocratie présidentielle comme aux États-Unis.
Mais la Constitution américaine est différente de celle de la France. Aux États-Unis, le Président ne peut pas dissoudre le Parlement et les deux sont réellement indépendants l’un de l’autre. De plus, le président est soumis à une élection législative à mi-mandat. Il existe donc plusieurs garde-fous dans la Constitution des États-Unis qui en font une véritable démocratie présidentielle et qui n’existent pas dans le régime français actuel.
2. Un autre argument largement utilisé par les partis est le suivant : comme le Président de la République est élu et que le Premier ministre est nommé, ce dernier doit se soumettre au chef de l’État et doit le laisser diriger le Gouvernement.
Mais, si être élu au suffrage universel permet au Président de la République de diriger ceux qu’il nomme, il pourrait également diriger les juges et il n’y aurait plus de démocratie. Par conséquent, le suffrage universel n’autorise absolument pas le Président de la République à diriger le Premier ministre.
3. La classe politique fait également croire qu’il y aurait une pratique institutionnelle au-dessus de la Constitution qui permettrait au Président de la République de diriger le Gouvernement s’il dispose une majorité parlementaire absolue. Mais cette pratique n’a jamais été votée ni par le Parlement ni par les Français. En fait, le terme de «Pratique institutionnelle» a été inventé uniquement pour embrouiller les esprits.
4. La classe politique a également déformé l’Histoire pour faire du général de Gaulle un monarque, voire un dictateur. Par exemple, Alain Peyrefitte, qui était ministre lorsque le général de Gaulle était président, a écrit dans son livre «C’était de Gaulle» que le général décrivait la cinquième république comme une monarchie élective et qu’il répétait : «Le chef du Gouvernement, c’est moi!». Or, les témoignages que nous avons vus et tous les discours du général de Gaulle prouvent qu’Alain Peyrefitte ment. Cependant, son livre est maintenant considéré par la classe politique comme la principale référence historique sur de Gaulle.
5. Au cours des élections présidentielles, la presse se concentre exclusivement sur les programmes politiques des candidats. Par conséquent, les Français ne peuvent avoir de doute sur la légitimité du Président de la République pour déterminer la politique nationale et diriger le Gouvernement.
6. Enfin, la classe politique ne cesse de répéter pour paraître irréprochable qu’elle défend plus que quiconque la démocratie, l’indépendance de la Justice, l’État de droit, les droits de l’homme et la Planète.
Ainsi, la classe politique avec la presse utilise plusieurs moyens de propagande pour cacher la vérité aux Français sur l’absolutisme présidentiel actuel.
Or, en dehors du domaine réservé du chef de l’État où s’exerce la dictature présidentielle, la Ve République n’est pas, par construction, un régime présidentiel. Michel Debré qui dirigea le groupe de travail chargé de la rédaction de la Constitution l’a très clairement exprimé lors de son discours de présentation au Conseil d’État le 27 août 19581 :
«Le Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. Je serais même tenté de dire qu’il veut l’établir, car pour de nombreuses raisons, la République n’a jamais réussi à l’instaurer [...] Le régime présidentiel est actuellement dangereux à mettre en œuvre.»
Ainsi, la Constitution retire toute responsabilité politique au Président de la République en imposant que ses actes soient contresignés par le Premier ministre qui en porte alors la responsabilité. Seuls les actes relatifs aux pouvoirs propres au chef de l’État font exception à cette règle, soit :
- La nomination du Premier ministre et des ministres et leur fin de fonction (art. 8-1).
- La soumission d’un projet de loi au référendum (art. 11).
- La prononciation de la dissolution de l’Assemblée nationale (art. 12).
- Tous les actes en situation d’extrême gravité prévue à l’article 16.
- Les actes relatifs aux communications du Président de la République au Parlement prévues à l’article 18.
- La saisie du Conseil constitutionnel sur les engagements internationaux (art 54).
- Les nominations des membres du Conseil constitutionnel (art. 56).
- La saisie du Conseil constitutionnel sur des projets de loi autres qu’organiques (art. 61).
Article 19
«Les actes du Président de la République autres que ceux prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables.»
Selon les partis, la Ve République serait donc un régime présidentiel où le chef de l’État ne serait en aucun cas responsable de ses décisions politiques et ferait porter le chapeau en cas d’échec à un gouvernement qui n’aurait fait que lui obéir. Cela est absurde. Aux États-Unis, le président signe tous ses actes et si sa politique échoue, alors il est sanctionné à mi-mandat par les élections législatives. En réalité, l’article 19 détermine à lui seul que la Ve République n’est pas un régime présidentiel. La politique de la Nation revient au Gouvernement qui en est responsable devant le Parlement et le Président de la République arbitre.
L’article 19 est le plus important aujourd’hui de notre Constitution. Par lui, tous les candidats à la présidentielle savent qu’ils ne seront jamais responsables de leur politique et que s’ils ne respectent pas leur programme électoral, ou si celui-ci ne donne aucun résultat, alors ils n’en subiront aucune conséquence. D’autant plus, qu’il n’y a plus d’élections législatives durant le mandat du Président de la République qui pourrait lui imposer une nouvelle majorité parlementaire. Les prétendants à la fonction présidentielle peuvent donc nous promettre absolument tout ce qu’ils veulent ou plutôt tout ce que nous voulons entendre pour être élus. Rien ne leur imposera, une fois à l’Élysée, de tenir leurs paroles et d’avoir des résultats. La seule chose qu’ils risquent est de ne pas faire un deuxième mandat, mais cela leur est imposé par l’alternance devenue une nécessité pour les partis, comme nous l’avons vu plus haut. Voilà en substance ce que signifie l’article 19. Celui-ci explique le sentiment d’impuissance que nous ressentons aujourd’hui.
Il n’y a jamais eu d’ambiguïté sur les pouvoirs du Président de la République et ceux du Premier ministre dans la Ve République, ou de dyarchie au sein de l’exécutif. Ceux qui ont prétendu le contraire avaient déjà en tête le régime présidentiel totalitaire actuel et cherchaient un moyen pour y parvenir.
Pour résumer, les deux schémas ci-après représentent l’évolution du pouvoir exécutif de 1958 à aujourd’hui et montrent que nous sommes à présent dans une dictature illégitime où l’État de droit n’a plus sa place.
Toute dictature qui se respecte trafique les élections. Certaines utilisent des moyens grossiers comme bourrer les urnes ou faire voter les morts. Mais, d’autres utilisent des procédés plus évolués, comme nous allons le découvrir.
En 1989, une nouvelle procédure de dépouillement du scrutin a été instaurée. Celle-ci est la suivante :
1. À la fermeture du bureau de vote, l’urne est ouverte et vidée entièrement sur une table.
2. Les bulletins sont regroupés en tas de 100.
3. On compte ensuite le nombre de tas et les bulletins restants pour obtenir le nombre de suffrages.
4. Ce nombre est comparé à celui des signatures sur les feuilles d’émargement.
5. Ensuite, les paquets de 100 bulletins sont mis chacun dans une enveloppe postale simple format A4 et le responsable du bureau de vote appose sa signature sur chacune d’elles.
6. Les enveloppes de 100 bulletins ainsi constituées sont mises de côté à un endroit par forcément visible.
7. Puis, elles sont distribuées, une à une, aux tables de dépouillement. Quand une table a terminé de dépouiller une enveloppe, on lui en apporte une autre.
8. À la fin, les résultats des dépouillements sont consolidés pour obtenir le résultat total des votes et l’on vérifie qu’il n’y a pas eu de bulletins égarés.
Avant 1989, il n’y avait pas ces enveloppes de 100 bulletins dans la procédure. Les urnes étaient vidées sur une grande table, les bulletins comptés puis dépouillés à la vue de tous.
Je suppose que vous avez compris l’astuce. Pour obtenir un résultat déterminé, il suffit, avant le vote, de préparer des enveloppes remplies de 100 bulletins, de les signer et de les apporter là où le dépouillement se fera. Les bureaux de vote étant généralement des salles de classe ou de mairie, il y a donc beaucoup d’endroits où l’on peut cacher quelque chose. Ensuite, pendant que les scrutateurs sont occupés à dépouiller, on alimente les tables de dépouillement avec les enveloppes préparées au lieu de celles remplies des bulletins sortis de l’urne. En pratiquant ainsi, il ne peut pas y avoir d’erreur sur le comptage final, car chaque enveloppe a été remplacée par une autre contenant la même quantité.
On obtient donc, sans que les scrutateurs se rendent compte de la supercherie, le résultat attendu. C’est simple et efficace. Plus besoin de casser les scellés pour bourrer les urnes ou de déranger les morts.
Ce procédé doit cependant être employé là où il n’y a pas d’observateurs extérieurs susceptibles de s’apercevoir de la manipulation, c’est-à-dire dans la plupart des bureaux de vote. En effet, les personnes qui se déplacent pour assister au dépouillement sont peu nombreuses sauf dans les mairies où beaucoup de gens viennent pour avoir en direct le résultat du scrutin sur leur commune. De fait, dans 90 % au moins des bureaux de vote, tous les présents sont réquisitionnés pour le dépouillement. Ainsi, seuls les responsables du bureau surveillent les opérations, ce qui leur permet d’agir en toute tranquillité.
Il faut également que les partis s’entendent au préalable sur le résultat de l’élection. Mais cela ne pose pas de problème, car comme nous l’avons vu ils s’accordent déjà sur le futur Président de la République, ils se donnent des parrainages entre eux et tous soutiennent le régime présidentiel illégitime actuel. Il est donc dans leurs cordes, mais aussi dans leur intérêt, de se mettre d’accord sur qui occupera les postes d’élus les plus importants.
Il n’y avait absolument aucune raison de modifier le Code électoral. Si le fait de transporter les bulletins de l’urne aux tables de dépouillement était un problème pour certains bureaux, alors ces derniers pouvaient prévoir autant de bacs que de tables, les remplir équitablement avec les bulletins sortis de l’urne et les distribuer ensuite à chaque groupe de scrutateurs. Les bulletins restaient ainsi à la vue de tous, et ne pouvaient pas être substitués. Pas besoin de changer la loi dans ce cas. L’idée d’utiliser des enveloppes pouvait être éventuellement retenue, mais il aurait fallu ne pas imposer une quantité de remplissage précise, que les enveloppes soient fermées une fois remplies et qui leur soit attribué un numéro unique pour éviter qu’elles puissent être remplacées. Le vote est le socle de la démocratie, son procédé doit donc d’être irréprochable et tout doit être mis en œuvre pour qu’il ne puisse être contestable.
Ainsi, il est évident, au regard de ce qui précède, que la procédure de dépouillement a été revue uniquement afin d’introduire une faille permettant la substitution des bulletins en toute discrétion et que celle-ci est à présent exploitée.
Cependant, la fraude sur les scrutins n’est pas le seul moyen d’obtenir le résultat souhaité pour une élection. Comme nous l’avons vu en introduction, les partis savent aussi nous proposer des candidats dont ils seront quasi certains de celui qui l’emportera. Le processus d’alternance consistant à pratiquer une politique désastreuse durant cinq ans pour permettre au parti adverse de reprendre à son tour la tête de l’État, est également un moyen très efficace pour orienter nos votes.
Ainsi, la classe politique dispose aujourd’hui d’un arsenal très complet lui permettant d’obtenir à chaque fois le résultat qu’elle souhaite aux élections tout en nous laissant croire que nous disposons toujours de notre libre arbitre. Une dictature ne lâche jamais le pouvoir et ne laisse jamais le peuple décider.
Le président Macron ne changera rien. Il a déjà pris le contrôle du Gouvernement, et il est déterminé à mettre en œuvre sa politique. Il a dit qu’il était au-dessus des partis politiques, mais il impose à ceux qui veulent se joindre à lui d’approuver sa politique. En fait, son parti «La République En Marche» est exactement comme les autres.
E. Macron n’aurait jamais pu gagner la présidentielle s’il n’avait pas été aidé par les principaux partis politiques : il était inconnu il y a deux ans; il n’a jamais fait de grandes choses pour son pays; il n’a jamais été élu auparavant; et il n’a jamais gravi les échelons à l’intérieur d’un grand parti contrairement à tous ses prédécesseurs.
Si nous regardons sa carrière et comment la campagne présidentielle s’est déroulée, alors nous pouvons constater :
• E. Macron a été plusieurs fois recommandé par les conseillers politiques les plus influents comme Jacques Attali et Jean-Pierre Jouyet qui ont travaillé avec N. Sarkozy et F. Hollande quand ces derniers étaient présidents;
• Macron n’appartenait à aucun parti lorsqu’il était ministre des Finances. Une telle situation n’a jamais eu lieu auparavant. Tous les ministres des Finances de la Ve République ont toujours appartenu à un parti politique lorsqu’ils étaient au pouvoir, car la politique financière d’un parti constitue son identité. Le président Hollande a violé cette règle pour permettre à E. Macron de créer à terme un parti politique soi-disant indépendant des autres. En effet, si E. Macron avait été membre du Parti socialiste, il n’aurait jamais pu prétendre être indépendant et il n’aurait jamais gagné l’élection présidentielle. Cependant, pour être candidat, il devait se prévaloir d’une expérience en tant que responsable d’un ministère des plus important, sinon il n’aurait jamais été crédible.
• François Fillon et Marine Le Pen ont aidé E. Macron à gagner la présidentielle en se discréditant : le premier par ses affaires d’emplois fictifs et la seconde lors du débat télévisé du deuxième tour.Si cela ne s’était pas produit, alors la victoire d’E. Macron aurait été compromise. C’est incontestable.
• Avant le premier tour, Marine Le Pen a pu faire campagne en tête des sondages sans être vraiment attaquée par la presse. Mais, après le deuxième tour, tous les médias et tous les partis politiques se sont massivement ligués contre elle. De cette façon, elle a facilement remporté le premier tour et a échoué au deuxième, donnant à E. Macron une large majorité. Permettre à l’extrême droite d’être présente au deuxième tour était un moyen de donner une victoire écrasante à E. Macron comme cela s’était produit en 2002 avec Jacques Chirac.
Tant de coïncidences inattendues ne peuvent être le résultat du hasard. Ainsi, la victoire de Macron a, de tout évidence, été organisée par les principaux partis politiques. Celle-ci a été planifiée des années avant l’élection présidentielle. L’extrême droite a participé au même titre que les autres partis.
Les partis politiques français forment leur identité sur leurs différences par rapport aux autres. Ainsi, sur un même sujet, ils s’obligent à avoir des opinions différentes, ce qui les contraint à mentir la plupart du temps, car la vérité est le plus souvent unique. Le mensonge est donc dans ADN des partis politiques français. Il est leur quotidien.
Cette obsession à vouloir toujours être différent des autres amène également les partis, lorsqu’ils sont au pouvoir, à prendre de mauvaises décisions. Ils préfèrent, en effet, aller jusqu’au bout de leurs mensonges plutôt que d’admettre leurs torts. De fait, un parti politique est incapable de gouverner sans créer de crises.
Ce fâcheux comportement s’est malheureusement toujours vérifié. Par exemple, durant la troisième et la quatrième République, les gouvernements changeaient en moyenne tous les neuf mois, voire tous les trois mois en périodes de crise, après avoir fait très rapidement la preuve de leur incompétence. Aujourd’hui, l’inaptitude des partis à gouverner la Nation profite pleinement à l’alternance.
Pour corriger ce défaut, le général de Gaulle avait instauré la Ve République basée sur un chef d’État arbitre et indépendant des partis. Celui-ci n’ayant pas de rôle politique en dehors des affaires étrangères et des forces armées pouvait intervenir en toute neutralité pour éviter que les querelles partisanes perturbent le bon fonctionnement des institutions, ou emmène le pays vers la catastrophe. Il pouvait ainsi, en cas de besoin, renouveler l’Assemblée nationale, demander l’avis du peuple par référendum, ou encore demander au Premier ministre de démissionner.
Pour garantir une stabilité au Gouvernement, il désignait le Premier ministre et nommait les ministres sur proposition de ce dernier. Le Parlement gardait cependant son pouvoir de destitution sur le Gouvernement, mais cela n’était possible que dans des conditions qui ne pouvaient être qu’exceptionnelles. Le pouvoir de nommer les ministres permettait également au chef de l’État de s’assurer que le Gouvernement était bien représentatif de l’opinion des Français. Les partis étant ainsi contrôler par une autorité supérieure et plus livrés à eux-mêmes et ne pouvaient plus nuire à la nation..
De 1958 à 1981, les présidents de la République respectèrent les principes de la Ve République. Ainsi, dès qu’ils étaient élus, et après avoir nommé le Gouvernement, ils laissaient celui-ci définir sa politique et la mettre en œuvre. Ils intervenaient ponctuellement dans leur rôle d’arbitre et sur des affaires de première importance pour la Nation, dans la mesure où celles-ci ne remettaient pas fondamentalement en cause l’indépendance des pouvoirs. Ce fut le cas, par exemple, de l’Algérie pour le général de Gaulle.
Si un Président de la République venait à abuser de sa position d’arbitre afin d’imposer sa politique au Gouvernement, alors les partis réagissaient immédiatement ce qui évitait les dérives. Par exemple :
– En 1979, François Mitterrand déclarait : «Il me semble que sous la Ve République, le Président s’arroge les pouvoirs dont devrait disposer le Premier ministre, et le Premier ministre devient de plus en plus le commis des décisions du Président de la République. Il y a donc un formidable abus.».
– En 1976, Jacques Chirac démissionnait de son poste de Premier ministre, car il estimait que le Président de la République ne lui donnait pas assez de moyens pour gouverner.
Cependant, les Français étant dans l’ensemble satisfaits de la Ve République qui avait montré son efficacité, la droite qui avait soutenu le général de Gaulle gagnait systématiquement les élections législatives et présidentielles. De fait, la gauche se sentait lésée. Par ailleurs, les partis ne disposaient plus, avec la Ve République, de tous les pouvoirs contrairement aux régimes précédents.
Ainsi dès 1981, sous l’impulsion de Jacques Chirac et de François Mitterrand, la classe politique renversa la Ve République pour instaurer un régime où le chef de l’État aurait tous les pouvoirs et dicterait sa politique par le biais d’un programme de gouvernement présidentiel. Cela apportait plusieurs avantages pour la classe politique :
1. La stabilité du Gouvernement propre à la Ve République était maintenue.
2. L’inaptitude du parti au pouvoir à gouverner le pays entraînerait l’alternance et donc un partage équitable du gâteau.
3. Les partis étaient totalement déchargés de leur responsabilité. Les députés de la majorité présidentielle soutiendraient dorénavant systématiquement les projets de loi du Président de la République et ceux de l’opposition voteraient contre. Ils seraient ainsi payés uniquement à préparer leur réélection en se montrant le plus possible dans leur circonscription ou dans les médias.
4. Les partis reprenaient la nomination des juges et pouvaient ainsi instrumentaliser la justice à des fins politiques.
Pour ne plus perdre la présidence de la République, les partis restreignirent les conditions d’éligibilité en imposant 500 parrainages d’élus et en rendant ces derniers,par la suite, publics. Ils modifièrent également la procédure de dépouillement pour faciliter la triche. Ainsi, ils pouvaient s’entendre avant les élections pour désigner le futur président de la République qui serait le plus apte à maintenir le régime en place sans que les Français se doutent de son illégitimité. Ses adversaires feraient tout pour lui laisser la place.
Ce régime totalitaire anticonstitutionnel fonctionna parfaitement pendant 36 ans durant lesquels la crise ne fit qu’empirer. Cependant, en 2017, les partis qui s’étaient partagé jusque-là le pouvoir perdirent, comme il fallait s’y attendre, la confiance des Français entraînant ainsi une forte montée de l’extrême droite.
Ainsi, pour éviter que le Front national gagne la présidentielle, il fut donc créé in extremis un nouveau parti, En Marche, ne se disant ni de droite ni de gauche. Celui-ci parvint à absorber une partie des électeurs déçus des partis traditionnels et par une suite de circonstances bien orchestrées, il gagna l’élection.
Cependant, ce nouveau parti fut formé exactement sur le même modèle que les autres, son identité s’appuyant sur un programme présidentiel de gouvernement démagogique construit uniquement pour se différencier de ses adversaires.
Il n’y a donc aucune chance aujourd’hui pour que celui redresse le pays et que nous soyons de nouveau entendus. La popularité actuelle du président Macron dans les sondages tient uniquement de sa rhétorique qu’il manie à la perfection et de la propagande organisée autour de sa personne. Elle est donc purement artificielle.
Si le président Macron était réellement sincère, alors il aurait réinstauré la Ve République. Mais au lieu de cela, il a renforcé son emprise sur le Parlement en choisissant ses députés, en désignant le chef du groupe parlementaire de sa majorité et le délégué général de son parti. Le Politburo ne faisait pas mieux.
Nous sommes donc à la fin d’un cycle. À la prochaine élection présidentielle, soit l’extrême droite prendra le pouvoir, car il n’y aura plus de possibilité de créer un nouveau parti comme En Marche, soit nous irons vers l’officialisation d’un parti unique. Dans les deux cas, un totalitarisme plus dur est au bout du chemin.
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