LA FINANCE: UN ÉTAT AVANT TOUT ÉTAT.
IMAGINONS UNE NOUVELLE ÉTAPE
Parallèlement aux combats bien réels que chacun trouve prioritaires (retraites, santé, éducation,
développement durable, énergie renouvelable, sécurité, paix, nucléaire, nitrates, pesticides,
justice, droits de l'être humain, spiritualité impartiale, etc... la liste est longue!), vous devriez garder de l'énergie pour installer un système monétaire équitable. L'argent n'est pas tout, bien sûr, mais il "colle" à beaucoup de problèmes.
Si vous agissez pour améliorer notre société, vous vous êtes sans doute rendu compte combien l'argent pesait sur votre combat préféré. "Pas de sous", "Pas assez d'argent" empêchent bien des réalisations (publiques comme privées) alors même qu'un besoin humain est là, reconnu, que la planète s'en trouverait mieux, que les personnes compétentes existent et sont peut-être au chômage, que les techniques sont au point et les matières premières disponibles. Un "simple" manque d'argent est-il un argument durablement recevable ?
Nous avons trop dans l'idée que la richesse est l'argent, les billets, un compte garni, l'or, des matières précieuses ou même des oeuvres d'art. Or, économiquement c'est une illusion. Elle marche parce que nous sommes nombreux à avoir confiance dans tel billet. Billet ou carte, j'oublie - un peu ou beaucoup - que la richesse est en vérité l'ensemble des biens et des services utiles produits par le travail - rémunéré ou non - d'Humains.
Mon billet (et même un diamant) ne peut acheter que parce que cette chose - naturelle ou fabriquée - est mise à ma disposition. L'argent lui-même ne travaille pas. Ni les matières premières, ni les objets au final ne touchent de l'argent. L'argent c'est toujours quelqu'un qui le perçoit.
Son prix est seulement une addition de salaires et de marges (bénéfices et intérêts). Seuls en effet les êtres humains se font payer (et certains malheureusement n'y réussissent pas vraiment!).
Derrière l'argent et la monnaie - pièces, billets ou comptes - est enfouie la question presque taboue - et donc on peut la supposer mal réglée - du partage des richesses que produit le travail. Les emplois rémunérés évidemment, mais aussi les nombreuses autres actions utiles qui ne sont pas monayées: travaux de personnes au foyer, de bénévoles, etc...
"Parce que les lois étaient mal faites, on a trouvé les hommes paresseux - parce qu’ils
étaient paresseux on les a mis dans l’esclavage"
Michel de Montaigne
Sous cette bannière, je suggère de repérer, sans parti pris et sans idéologiser si possible,
les règles et lois qui ont vigueur à la source de l'argent.
En tout domaine, les règles initiales prennent un caractère exemplaire. Encourageant ou pernicieux, celui-ci sera contagieux.
La source de l'argent est la création monétaire grâce à des planches à billets.
Qui est légitimement propriétaire de cette émission? Je laisse cette question à votre jugement.
L'or dont certains (qui en ont) rêvent la restauration, a été abandonné comme source depuis le 15
août 1971. Ça va mal direz-vous, mais ça allait déjà mal avec l'or-source (1939-1945, 1929, 14-18, ... sans remonter jusqu'à l'antiquité) -.
Qu'est-ce donc que l'argent à son origine? Je vois trois étapes.
Étape 1: Parlons d'abord de la grosse cerise sur le gâteau. La monnaie, créée principalement par la planche à billets de la FED banque centrale des USA (officiellement publique), est achetée à bas coût (au taux de moins de 1% actuellement) par quelques grandes banques très discrètes. Début d'un commerce pipé. Ni vous, ni moi, ni nos États, ni nos entreprises, ni les nombreuses autres banques intermédiaires n'ont accès à ces prêts favorisés. Ces banques "à part" (et depuis quelque temps l'État US et, timidement, de façon détournée, un peu, la BCE) bénéficient du privilège tout à fait royal d'émettre de la monnaie. Elles pourront prêter. Les autres banques, les autres États sont éliminés de cette création. L'ensemble des pays est maintenu dans la rareté monétaire et par suite contraint à des emprunts à ceux qui peuvent prêter. De gré, à force de corruptions ou par règlementation.
Étape 2: En Europe par exemple, un règlement interdit aux États (soi-disant souverains) de créer l'argent qui leur est nécessaire à leur banque centrale (l'institut qui imprime leur monnaie). Privés de planches à billets, nos pays doivent obligatoirement emprunter sur le marché commercial vu en
1. Emprunter et non pas créer voilà l'astuce (Pour la différence, le prix, voir plus bas l'étape 3).
L'interdiction d'émettre de la monnaie en France a commencé avec une loi discrètement votée en
janvier 1973. Elle a été confirmée et élargie depuis par les traités de Maastricht (art 104), puis Lisbonne (art 123) pour les 27.
Le motif officiel de cette interdiction (avec laquelle Alain Juppé UMP et François Hollande PS sont
complètement d'accord) est en partie fondé, mais en partie seulement! Une telle liberté peut servir à faire fonctionner égoïstement et follement la planche à billets d'un État. Il est vrai que des États ont usé et abusé de cette facilité dans le passé (Allemagne nazie, Italie, etc...). Mais cette
facilité, c'est la haute banque privilégiée planquée derrière la FED qui l'a accaparée (avec
le trésor US et la BCE un peu en sous main maintenant... il faut bien acheter les silences de ceux-qui-savent. Et ça coûte cher).
Le nationalsocialisme est justement tombé, le socialisme sans liberté aussi. Mais le fonctionnement des planches à billets, créatrices de monnaie (normalement en relation avec la production des richesses de chaque pays) est toujours aussi peu réciproque, aussi peu participatif, aussi peu
social, aussi peu démocratique en un mot. Voyez l'actualité: gabegies et inégalités insupportables. Une contagion induite par un commerce faussé au départ, couplé à une interdiction strictement
politique...et donc aisément modifiable!
Étape 3: Après la cerise initiale et la curieuse cuisine de l'étape 2, nous trouvons le gâteau (pour quelques-uns). Évidemment, les gouvernants des différents pays ont besoin d'argent; ne serait-ce que pour équilibrer la masse monétaire en circulation avec la quantité croissante de travaux et de services effectuée dans les pays. Comme il est interdit de fabriquer de la monnaie nouvelle (même légitime) sans passer par les banques commerciales, les pays l'empruntent à ceux qui en ont. Qui en a? Des Riches bien sûr - Peuvent prêter massivement ceux qui ont déjà beaucoup plus que le nécessaire.
Le monde n'est pas né d'aujourd'hui -. En premier, les banques privilégiées de l'étape 1, puis les grandes banques qui spéculent et profitent abusivement de l'épargne déposée chez elles (Elles
spéculent même avec de l'argent qui n'est pas leur propriété, mais la haute banque ne dit rien. C'est, donnant-donnant, une omerta en fait).
L'Allemagne obtient l'argent à 3%. La Grèce à 10% ou plus. La France à 4%. Inégalité devant la "ressource". Pas d'égalité des chances entre pays, la paix est en danger. Et pas besoin d'être sorti de polytechnique pour calculer que 3, 4 ou 10% l'après midi, c'est nettement plus qu'1% le matin! Un sacré bénéfice sans travail sur des sommes énormes pour les Riches prêteurs aux États.
De façon discrète mais réelle, des Riches (sans souveraineté proclamée) taxent ainsi (légalement mais illégitimement étape 2) nos États. Même bien gérés ils ne peuvent que s'endetter. Cette ponction n'est récupérable qu'en nous sur-imposant ou en s'enfoncent dans les dettes. Est-ce durable?
Les mauvaises gestions étatiques existent, mais l'essentiel des dettes publiques est un profit indu. La dette enrichit des Prêteurs qui n'ont rien de Pauvres. Depuis 1973 par exemple, la France a payé en intérêts à ses Prêteurs, quasiment le montant de la dette totale actuelle: 1500 milliards d'euros environ. La Finance nous a imposés sans le dire, avant même nos gouvernants.
Cette taxation par l'emprunt commercial obligatoire pour les instituts d'émission de monnaie (alias
Banques Centrales) constitue maintenant le principal des dettes publiques dont on nous rebat les oreilles. On joue de notre sens moral: payer ses dettes est très nécessaire, je veux être honnête et j'en suis d'accord; mais ne pas me laisser rouler dans la farine! Pas étonnant qu'il faille peu à peu rogner les services publics, mettre en coupe les petites et moyennes entreprises, licencier des citoyens ordinaires,délocaliser. Pas étonnant qu'il y ait des émeutes de la faim dans des pays pauvres...
La Finance est plus qu'un État dans l'État, c'est un
État avant tout État.
Imaginons une nouvelle étape:
Une main équitable pour régler les planches à billets; autrement dit l'investissement
Ce ne sont pas les têtes des Hiérarques qu'il faut faire tomber, mais le système monétaire qu'il
faut démocratiser en profondeur. Tenir compte d'un côté de ce qu'est l'argent et de l'autre de ce qu'est l'être humain: ni naturellement bon, ni naturellement mauvais, mais capable de toute la gamme entre ses extrêmes.
N'attendons pas le miracle d'un grand soir, mais une action monétaire citoyenne constante, diversifiée et incontrôlable par une autorité unique; un peu à la manière "des vers de terre rendant la terre féconde par son aération". L'être humain reste l'être humain: il y aura des corruptions et des violences.
Un drogué (la finance établie) supporte très difficilement la suppression de sa drogue. Il faut donc
être très diplomate avec une finance habituée aux facilités de la corruption et de la violence (Elle tient beaucoup de politiciens professionnels), mais ne rien céder sur le fond. Tâchons de discerner.
La banque, non, pas la banque! la création monétaire, alias les planches à billets, alias les
Banques Centrales devraient devenir indépendantes des Gouvernants des États (acquis de l'histoire), mais également des Financiers (acquis de l'observation du présent). Le nouvel argent pour l'investissement devra être public évidemment, mais sans être ni sous la coupe des Financiers, ni sous celle des Gouvernants. Nous avons besoin d'un nouveau pouvoir citoyen: un pouvoir monétaire, le pouvoir d'investir.
Toutes classes confondues, c'est au peuple entier qui rassemble l'esprit de démocratie, de constituer le corps dévoué aux réglages des diverses planches à billets qui commandent les investissements. Créer, puis mettre au point et ajuster au fur et à mesure.
Pour obtenir une "planche de salut" monétaire, aboutir à des investissements socialement responsables, il nous faut des planches à billets sous regard de citoyennes et de citoyens
sincères, regroupés, nombreux, libres, motivés, rendus compétents par adossement à des professionnels de l'argent.
La planche à billets, autrement dit le choix des investissements publics a besoin de corrections sociales, massives ou fines, fréquentes ou rares, éclairées, localisées, régionalisées ou mondialisées. Un avantage des jurys-conseils de banques tirés au hasard, est qu'ils introduiraient une action citoyenne à toutes les échelles humaines, locales, régionales, nationales, continentales, planétaire.
Le jeu d'argent doit être rétrogradé à un niveau privé. Les joueurs ont les paris pour assouvir leur passion. Des règles pourraient les exclure de la bourse dès lors qu'ils toucheraient à l'économie réelle avec de vraies entreprises et de vrais gens derrière.
Se posera aussi immédiatement le problème des masses d'argent accumulées par le système asocial actuel.
Elles ont de quoi perturber longuement l'investissement utile.
En "collant" auprès de chaque institution financière (en commençant avec celles qui, morales ou
lucides, voudront être volontaires) un regard de jurés-conseillers tirés au sort; aidés de travailleurs de la banque et du fisc élus par leurs collègues de travail (imitation adaptée à l'argent des jurys de cours d'assises existants depuis des décennies), il devrait devenir possible de faire "respirer" les monnaies plus honnêtement. Sans inflations voleuses ou profits sans raisons, ni travail.
Pour la correction des planches à billets, on ne peut compter sur un seul jury-conseil populaire, ni sur une hiérarchie établie entre plusieurs. Par contre la multiplication de jurys-conseils, non par élections (instrumentalisables par la finance établie) mais grâce au hasard, pourrait donner des résultats positifs. Il y aurait impossibilité pour les tenants actuels de l'argent de soudoyer l'ensemble des jurys autonomes et renouvelés.
Cette pouvoir citoyen supplémentaire ne sera pas une panacée, mais il enclenchera un mouvement de prise de conscience visant l'impartialité. Il obligera des négociations suivies entre États, entre collectivités, entre communautés avec jumelages libres, basés sur le franc-parler et l'égalité de temps d'expression des participants. Le but étant de construire un équilibre, une réciprocité permettant la confiance. La confiance est le tendon d'Achille de toute monnaie et de tout "vivre ensemble".
L'ONU pourrait évoluer et devenir siège premier ou dernier de jurys-conseils, sous les auspices de la Déclaration Universelle des Droits du 10 décembre 1948 publiée au sortir d'une atroce guerre mondiale.
En réalité sans doute, le phénomène monétaire citoyen passera au début par de petites banques sociales et mutuelles ou par des groupes de démocrates locaux ou familiers par communauté,
équipés s'il le faut de monnaies locales complémentaires (Ces monnaies émises sont peut-être
plus à mon sens des outils de prise de conscience que des objectifs finaux; sauf volonté populaire locale, assumée, de dépaysement. "L'universel: c'est le local, moins les murs" Miguel Torga).
Ces groupes seront courageusement responsables d'une diffusion de l'esprit de justice incarné par une monnaie équitable, sur un territoire géographique défini (ou aux limites plus virtuelles). Ils ne se contenteront pas de mots.
Ils seront donc et contestés à la moindre erreur de pilotage, voire menacés. Leur boussole sera de refuser l'exclusion de quiconque de notre humanité commune, inventrice, dans toutes ses cultures, de monnaies pour ses échanges.
Michel Portal
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