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La Bosnie s’essaye à la démocratie directe

La Bosnie s’essaye à la démocratie directe

Origine de l'info :

Après avoir poussé leurs dirigeants locaux vers la sortie, plusieurs villes de Bosnie expérimentent depuis plus d’une semaine une nouvelle forme d’organisation citoyenne, le « plénum ».

Difficile de comprendre de prime abord ce qu'est un « plénum », l'une des expressions les plus caractéristiques du mouvement de protestation bosnien. 

Le terme a des consonances antiques, mais évoque surtout les réunions plénières du Parti dans les ex-pays communistes et socialistes.

En Bosnie, c’est à Tuzla que les premières assemblées citoyennes plénières ont été organisées, trois jours après les émeutes qui constituèrent le point de départ du mouvement de contestation, le 5 février.

S’inspirant des mouvements étudiants qui agitèrent la faculté de philosophie de Zagreb en 2009, ces assemblées ouvertes à tous ont pour but de transcrire un ensemble diffus de revendications en actions concrètes.

A Sarajevo, vendredi 14 février, près de 900 personnes se sont ainsi réunies à quelques mètres du siège de la présidence bosnienne, devant lequel les manifestants se rassemblent quotidiennement.

Les organisateurs ont affiché leur satisfaction devant le déroulement sans anicroche de cet exercice grandeur nature de démocratie directe : « Je suis très fière, a déclaré Valentina Pellizzer, membre du comité d’organisation. Les citoyens ont prouvé qu’ils peuvent se réunir sans violence ». 

Deux jours plus tôt, dans une salle plus petite de l’université de Sarajevo, un premier plénum s’était tenu de manière assez chaotique, obligeant la plupart des citoyens à écouter les interventions sous la pluie.

Cette fois, le canton de Sarajevo avait mis à disposition, vendredi, l’amphithéâtre du centre culturel et sportif de Skenderija, un complexe qui autrefois accueillait des compétitions olympiques.

Le dispositif de sécurité, privé, a été renforcé par un détecteur de métaux et une fouille au corps à l’entrée. 

« Les méchants hooligans, c’est nous ! » a plaisanté Sanja Dervisevic, étudiante en médecine de 31 ans.

Assurer la sécurité est effectivement le principal enjeu du comité d’organisation, qui cherche à contrecarrer l’image de casseurs qu’il reproche aux médias de véhiculer.

Sit-in devant un bâtiment public, le 8 février à Sarajevo. Antonio Bronic/Reuters

Sit-in devant un batiment public, le 8 février à Sarajevo. Antonio Bronic/Reuters

Espace de parole, le plénum se déroule selon des consignes très strictes.

Deux minutes par intervention, un vote à main levée pour chaque décision, pas de leaders mais des modérateurs.

«Il s’agit d’un mouvement sans représentant, explique Valentina Pellizzer, qui tient à être citée comme citoyenne, et non comme porte-parole. C’est ce qui choque le plus les politiciens, qui n’ont personne à qui s’adresser. »

Conséquence directe du ras-le-bol des protestataires face à une élite jugée corrompue et "kleptocratique", les politiques sont honnis.

Seul le « citoyen » prévaut lors de ces plénums, où tous sont admis à s'exprimer, sauf les représentants de partis politiques.

Ce soir là à Sarajevo, après une présentation très solennelle des règles par Nermin Tulic, un comédien populaire qui a perdu ses jambes pendant la guerre, les médias sont invités à éteindre téléphones et ordinateurs et à s'exprimer, eux aussi, en tant que simples citoyens.

Au micro, les interventions chronométrées se succèdent.

Certains, par timidité, n'y restent que quelques secondes.

D’autres démontrent de véritables talents d’orateur, haranguent la foule et suscitent des salves d’applaudissements comme dans les meilleurs meetings.

Beaucoup expriment leurs doléances et leurs difficultés personnelles, reflet de la débâcle économique à l’origine des contestations, d'autres présentent des listes de propositions dans leur domaine d’activité. 

« C’est comme une thérapie collective citoyenne », commente Mladen Jelicic, un humoriste bosnien réputé.

De fait, l’ambiance est bon enfant, et l'assemblée très hétéroclite : des étudiants, des chômeurs, certes, mais aussi des universitaires, des employés, et une ancienne championne olympique.

Puisque le premier ministre du canton de Sarajevo a démissionné, il s’agit de formuler des revendications qui seront présentées à l’Assemblée cantonale. 

« Toute la spontanéité des manifestations doit maintenant être organisée dans un programme », explique Marina Antic, du Mediacentar.

Parmi les « demandes » votées ce vendredi 14 février figurent ainsi la nomination d’un gouvernement d’experts composé de membres non politiques, et une baisse des salaires des fonctionnaires du canton.

Sanja Dervisevic, qui assiste aux manifestations depuis le premier jour, se veut optimiste quant à l’efficacité de ce mode d’organisation : « Ça ne peut de toute façon pas être pire que le gouvernement qu’on a eu pendant vingt ans. » 

Egalement étudiante en médecine, sa voisine, qui se méfie des médias et veut garder l'anonymat, est plus sceptique : « La Constitution ne permet pas d’organiser des élections anticipées ; le gouvernement fédéral est déjà un gouvernement technique, et ça n’a rien changé. »

Des groupes de travail ont été formés dès dimanche afin d’approfondir ces demandes et de vérifier qu’elles entrent dans le cadre de la loi.

 Le travail ne fait donc que commencer : « Nous avons la salle jusqu’à la fin du mois ! » peut-on lire sur lapage Facebook du Plénum de Sarajevo, moyen de communication privilégié par le comité d’organisation.

 Adrien Barbier (à Sarajevo – Monde Académie) 17 février 2014

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