Les habitants de Marinaleda poursuivent avec toujours autant de courage, d’enthousiasme et de détermination leur originale et formidable expérience. Ils savent combien les autres communes souffrent des conséquences de la crise à répétition du capitalisme et des politiques désastreuses du gouvernement espagnol.
Ce n’est pas un hasard s’ils ont infligé une lourde défaite au PSOE aux élections municipales du mois de mai dernier (1).
En cet été 2011, Marinaleda foisonne de projets et de rêves pour améliorer encore et encore la situation matérielle et intellectuelle de l’ensemble de ses habitants.
Ces projets et ces rêves collectifs permettent à Marinaleda d’avancer sur le chemin du progrès et de réaliser des avancées sociales concrètes sans lesquelles la démocratie reste un concept creux sans contenu réel.
En face de l’Ayuntamiento (mairie), de nouvelles maisons à 15 euros par mois viennent s’aligner à côté des anciennes permettant ainsi aux familles entières d’ouvriers de bénéficier concrètement de ce droit vital dont parle l’article 25.1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
A Marinaleda, le logement cesse d’être une marchandise qui s’achète et se vend sur le marché, avec les terribles conséquences économiques et sociales que l’on connaît, et devient un droit tangible.
Il ne s’agit nullement d’une quelconque propriété privée, mais d’un droit d’utiliser le logement par l’habitant et ses descendants sans jamais le posséder.
Et comme l’écrivait K. Marx dans les Manuscrits de 1844 « La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu’un objet n’est nôtre que lorsque nous le possédons » !
Mais le logement aussi vital soit-il ne suffit pas à assurer une vie décente aux ouvriers et aux ouvrières de Marinaleda. Il faut le compléter par l’emploi.
Ici, les habitants ne connaissent pas le chômage et ses drames humains qui ravagent l’Espagne et toute l’Europe.
La crise du capitalisme et les politiques ultralibérales du Parti Socialiste Ouvrier d’Espagne (PSOE) au pouvoir ont privé des millions d’espagnols de leur travail et les ont jetés dans la misère.
L’ Andalousie compte, à elle seule, 1 200 000 hommes et femmes sans emplois et 3 000 000 de pauvres. Des milliers de familles qui ne peuvent plus rembourser leurs emprunts aux banques, sont jetées dans la rue. Beaucoup de chômeurs des communes proches viennent travailler à Marinalida notamment l’été où l’activité agricole le permet. D’autres sans emploi viennent de plus loin, du Maroc, de la Roumanie et même de la Grèce !
Les habitants et l’équipe municipale font de leur mieux pour satisfaire tout le monde dans la mesure du possible. Le village travaille d’arrache-pied pour pouvoir multiplier par deux le nombre d’emplois dans l’industrie agro-alimentaire.
Une nouvelle coopérative vient d’être créée ce qui porte leur nombre total à huit unités.
Les ouvriers et les ouvrières de Marinaleda projettent également d’augmenter la capacité productive des coopératives déjà existantes en investissant massivement dans le progrès technique.
Le surplus dégagé par l’activité des coopératives est automatiquement réinvesti pour créer toujours plus d’ emplois conformément à leur projet collectif initial élaboré lorsqu’ils ont récupéré les terres au Duc de l’Infantado après une longue lutte pacifique.
Ici il n’y a ni bénéfices à réaliser ni dividendes à distribuer. Seuls comptent la création massive d’emplois et le bien être des travailleurs.
Et ce qui est vrai du logement et de l’emploi, ne l’est pas moins des autres réalisations sportives et intellectuelles indispensables pour le bien être et le développement individuel et collectif de tous.
Marinaleda est déjà riche en équipements collectifs : piscine, complexe sportif, garderie, bibliothèque, parc naturel, amphithéâtre pour spectacles, services à domicile pour personnes âgées etc. etc.
Tous ces équipements et ces services sont offerts gratuitement ou quasi-gratuitement à l’ensemble des habitants.
Mais le conseil municipal et les assemblées générales, sans relâche, proposent, débattent décident de nouveaux projets, de nouvelles constructions, de nouvelles améliorations et agrandissements des équipements existants.
La quête du bien être de l’ensemble des habitants est ici une lutte et une construction permanente. Ainsi, il a été décidé que la magnifique piscine de Marinaleda devait servir toute l’année et non seulement durant la période estivale.
Les travaux de la première phase de cette nouvelle piscine couverte ont déjà commencé. Elle comportera une zone pour la pratique de la natation et une autre sera réservée aux personnes, pour des raisons médicales, nécessitant une rééducation.
Marinaleda s’est équipée également de toutes les installations nécessaires pour pouvoir offrir Internet gratuitement à l’ensemble de ses habitants leur facilitant ainsi l’accès aux moyens modernes de communications et partant une certaine ouverture sur le monde.
Le conseil municipal et les assemblées générales projettent aussi d’équiper, dans un premier temps, tous les édifices publics, le complexe sportif, les prochaines maisons à 15 euros et la Résidence des personnes âgées, de capteurs solaires.
Ce projet, avec la collaboration étroite de la commune limitrophe de Matarredonda, s’inscrit dans un vaste programme d’utilisation des énergies alternatives (solaire et éolienne) pour atteindre l’autosuffisance énergétique.
Par ailleurs, une partie des retraités dispose depuis cet été de ce que l’on appelle ici « huertos sociales »(jardins sociaux).
Il s’agit de parcelles de terre offertes gratuitement à chaque retraité pour cultiver ce que bon lui semble. Ces « jardins sociaux »constituent non seulement une espèce de « thérapie active » pour les personnes à la retraite, mais aussi une occasion pour la commune de tester et d’utiliser les techniques de l’agriculture biologique. La commue compte généraliser ces « jardins sociaux » à l’ensemble des retraités de Marinaleda.
D’autres projets sont prévus ou en voie de réalisation dans cette commune andalouse de 3000 habitants, comme par exemple, cette nouvelle Résidence pour personnes âgées en voie de construction et qui a coûté quatre millions d’euros à l’ensemble des habitants. Il s’agit d’un hommage collectif rendu aux anciens qui ont tant lutté et tant souffert de la misère avant la récupération des terres. Marinaleda fête d’ailleurs tous les ans la journée des personnes âgées en leur offrant, à chacune d’entre elles, un cadeau symbolique en signe « d’affection et de respect ».
Est-ce à dire que tout va bien à Marinaleda ? Loin s’en faut ! Les ouvriers et les ouvrières qui dirigent la petite ville ne prétendent nullement à l’infaillibilité, caractéristique détestable des dirigeants bourgeois.
Ils essaient par leur travail quotidien, humblement, modestement d’améliorer leur situation matérielle et culturelle. Toutes leurs décisions sont prises démocratiquement et dans la transparence la plus totale.
Leurs paroles et leurs actes, y compris leurs défaillances, sont affichés et mis à la disposition de tous. Et il reste encore beaucoup de choses à faire ou à améliorer. Même si le domaine de la Santé par exemple relève des attributions du gouvernement espagnol, Marinaleda manque cruellement de médecins et d’infirmières.
Les habitants le savent et tentent de suppléer l’absence de l’État occupé en ce moment à privatiser ce domaine vital. Ils ont engagé exactement 1 250 000 euros pour créer un nouveau « dispensaire » ouvert à tous (Nuevo consultorio médico de Marinaleda).
Ils luttent également, avec les autres communes de la région, pour améliorer l’état désastreux des urgences médicales existantes qui sont considérées par les habitants comme « des attentats contre la vie et la santé pour tous ceux qui ont le malheur de tomber malade ».
Il reste certainement encore beaucoup de chose à faire ou à améliorer à Marinaleda.
Mais combien de communes en Andalousie et dans toute l’Espagne voire dans toute l’Europe offrent-elles un emploi et un logement quasi-gratuitement à leurs habitants ?
Combien de communes ont-elles pu traduire autant de projets sociaux dans la réalité la plus concrète ?
Combien de communes où le maire et les conseillés municipaux, pour les charges qui leurs incombent, ne touchent le moindre centime d’euro, ne bénéficient du moindre privilège et consacrent leur temps et leur énergie à lutter côte à côte avec l’ensemble des habitants pour le bien être de tous ?
Ici il n’ y a ni corruption, ni corrompu. Il n’y a que des hommes et des femmes qui par leur lutte et leur travail au jour le jour construisent ensemble, à leur échelle, avec courage et détermination une autre société radicalement différente de la société capitaliste.
Mohamed Belaali
(1) Aux élections municipales et régionales du mois de mai 2011, le PSOE a perdu deux sièges sur les quatre qu’il possédait auparavant. Ainsi les représentants des ouvriers et des ouvrières agricoles menés par Juan Manuel Gordillo occupent désormais neuf sièges, au lieu de sept, sur onze que compte le conseil municipal de Marinaleda.
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