Pour une démocratie directe locale

Face à la mutation sociétale en cours : l'élévation de nos démocraties

La conférence de citoyens : un outil précieux pour la démocratie, Jacques Testart

Origine de l'article

Quoi ?

Vous voulez que les grandes décisions économiques soient débattues dans des forums citoyens ?

Que les gens puissent décider de leur activité en proposant des contrats civiques ?

Mais c’est une utopie complètement irréaliste !!

Telles sont souvent les réactions contre la démocratie en économie que nous présentons sous le nom d’économie distributive.

Remercions donc le grand biologiste Jacques Testart d’apporter un soutien de taille à notre “utopie” : en nous confiant le texte ci-dessous, il nous permet d’avancer dans la conception de cette économie participative :

De véritables leurres démocratiques sont souvent agités par le pouvoir politique pour résoudre les contradictions entre les projets qu’il veut imposer et les choix de la société, particulièrement à propos d’innovations technologiques.

Ainsi, que ce soit pour la culture de plantes transgéniques, le tracé d’une autoroute, l’implantation d’un incinérateur, l’escamotage des déchets nucléaires, la dissémination des produits nanotechnologiques, etc…le gouvernement promet d’ “informer” le public et de le “consulter”.

Non seulement ces démarches interviennent presque toujours après que les décisions ont été prises mais elles ont peu à voir avec la “participation” promise.

Elles utilisent des arguments d’autorité (la parole unique des “experts”), ignorent la contradiction comme la pluralité des analyses provenant de savoirs non techniques.

Les élus eux-mêmes, incomplètement informés, ne peuvent faire écho qu’aux préoccupations portées par des groupes d’intérêt [1].

Pourtant, dès que les incertitudes sur l’intérêt et les conséquences des technologies sont importantes, ce qui est de plus en plus fréquent, les autorités devraient collecter et discuter les points de vue des simples citoyens, au-delà du cercle des experts statutaires.

Bien sûr, pour qu’il soit argumenté, l’avis des citoyens doit se nourrir des informations les plus complètes possibles. C’est pourquoi il faut définir une méthodologie permettant de recueillir les avis de citoyens “naïfs” (non spécifiquement impliqués dans la controverse) mais bien éclairés grâce à des informations complètes et contradictoires.

Les bases pour une telle procédure ont été proposées il y a 20 ans par le Danemark sous l’appellation “conférence de citoyens” (CdC) mais, malgré plusieurs dizaines de CdC recensées dans de nombreux pays, la méthodologie reste empirique et sujette à de larges variations.

Or, la crédibilité des CdC exige que des règles claires en garantissent l’objectivité et la pertinence.

C’est seulement à ce prix qu’on pourrait obtenir des parlementaires qu’ils prennent en compte les résultats des CdC au moment de faire les lois et règlements.

La conférence de citoyens combine une formation préalable (où les citoyens étudient) avec une intervention active (où les citoyens interrogent) et un positionnement collectif (où les citoyens discutent en interne, puis avisent).

Le prix à payer pour cet exercice démocratique est de le limiter à un petit nombre de personnes plutôt que de consulter la population entière.

Composée de personnes volontaires, mais après tirage au sort sur les listes électorales, la CdC apparaît aujourd’hui, et après de nombreuses expériences mondiales, capable de produire des avis précieux à l’usage des décideurs mais aussi des autres citoyens.

En effet, quel apport plus précieux pour tout un chacun dans le doute que les analyses produites par quelques uns qui sont absolument ses semblables ?

Et quelle meilleure garantie contre l’enkystement dans la fonction qu’un panel de citoyens renouvelé pour chaque consultation ?

Les observateurs des conférences de citoyens se sont étonnés de la capacité de personnes candides à délibérer sur des sujets complexes, en se dégageant des enjeux seulement locaux et immédiats pour proposer des solutions souvent ignorées par les spécialistes, et rarement entendues des instances politiques.

On est loin de l’hypothèse d’un “public irrationnel” qui serait incapable d’apprécier les effets réels de la technoscience…

Ainsi peut-on, le temps d’un essai d’humanité, transformer en citoyen responsable le gogo que nous sommes tous au jour le jour [2].

Pourvu qu’elles soient médiatisées, ces procédures améliorent aussi la compétence de toute la population et peuvent rétablir la confiance vis à vis des scientifiques et de leurs propositions.

Comment faire entrer ces procédures dans l’ordre juridique et politique, pour que les dirigeants, mieux informés des enjeux des technologies et des attentes de la population, puissent tenir compte de ces recommandations ?

À l’initiative de la Fondation sciences citoyennes (FSC), une méthodologie précise a été élaborée pour que des gens ordinaires puissent fournir des avis éclairés, permettant aux élus d’apprécier complètement une innovation avant d’en promouvoir l’usage.

Nous avons d’abord analysé des expériences internationales de CdC, puis nous avons défini des conditions pour que des profanes élaborent librement une position bien informée et représentative de l’intérêt commun.

C’est pour rompre avec l’ambiguïté de procédures variées s’autoproclamant “conférence de citoyens” que nous avons adopté la dénomination “convention de citoyens”, pour laquelle nous proposons aujourd’hui un projet législatif (consultable sur Internet à l’adresse http://www.sciencescitoyennes.org).

Selon ce projet de loi (fortement résumé ici) la sélection d’une quinzaine de citoyens, profanes par rapport au sujet en délibération et dénués de conflit d’intérêts, est effectuée au hasard mais en assurant une grande diversité ( sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région d’origine, sensibilité politique…).

L’objectivité de la procédure est recherchée à la fois par cet échantillonnage, par une formation assurée hors de toute influence (anonymat des citoyens) et par le consensus obtenu sur le programme de formation, lequel est pourtant établi au sein d’un comité de pilotage riche d’opinions diverses.

Pour assurer le respect de la procédure, un comité d’organisation placé au Conseil économique et social ou au Parlement lance un appel d’offres pour l’organisation matérielle de la Convention, nomme le comité de pilotage, et publie des cahiers d’acteurs présentés par toute personne physique ou morale.

Le comité de pilotage comprend des spécialistes de la question posée représentant le pluralisme des opinions sur la question débattue et prend ses décisions par consensus.

Il établit le programme de formation des citoyens, reçoit les cahiers d’acteurs, et distribue une documentation comprenant les positions contradictoires dans cette controverse.

La première session de formation présente aux citoyens les connaissances disponibles, de la façon la plus neutre possible.

Puis, une seconde session présente la question en termes d’enjeux contradictoires. Un facilitateur, psychosociologue engagé par le comité qui est le seul interlocuteur permanent du groupe, assure le lien entre les citoyens et le comité de pilotage, sans intervenir dans l’objet du débat.

Après cette formation, les citoyens décident du contenu d’un débat public qu’ils dirigeront afin de compléter leur savoir (ils décident alors eux-mêmes des questions à traiter et des personnes à interroger).

Finalement, ils délibèrent pour établir leurs recommandations, soit par consensus, soit en rédigeant des opinions dissidentes.

Toute la procédure doit être filmée, à l’exception des moments de délibération, et les films sont accessibles au public.

De plus, toute convention de citoyens fait l’objet d’une évaluation par deux experts désignés par le comité d’organisation.

Afin de sortir des leurres démocratiques pour aller vers une véritable participation, les recommandations de la CdC doivent faire l’objet d’un débat parlementaire avec vote d’une résolution où toute divergence des élus avec les recommandations des citoyens devra être motivée.

Car la démocratie participative ne peut devenir crédible aux yeux des citoyens que si les élus prennent en compte les avis émis.

Pourtant, c’est seulement au prix de sa rationalisation que la procédure peut gagner en crédibilité, condition nécessaire à sa prise en compte politique.

Ainsi pourrait-on mieux faire fonctionner les institutions, et fournir aux élus un outil pour apprécier toutes les facettes d’une innovation avant d’en promouvoir l’usage.

Deux extensions de ce modèle seraient ultérieurement possibles.

On pourrait tenir simultanément plusieurs conventions de citoyens sur le même thème (par exemple avec un comité de pilotage dans chaque pays participant) et vérifier ainsi la convergence des souhaits des citoyens du monde, convergence qu’on peut supposer supérieure à celle de leurs responsables politiques respectifs...

L’autre extension serait thématique en élargissant le recours à ces procédures hors des controverses technologiques vers des thèmes éthiques ou même politiques.

C’est une véritable révolution des pratiques qui est en jeu avec cette formule pour démocratiser les décisions des élus .

Mais l’actualité est de passer le premier cap de cette utopie en faisant inscrire les CdC dans la Constitution, condition pour garantir leur prise en compte… et donc de convaincre les parlementaires que face à la complexité croissante des évaluations ils ne peuvent se suffire d’expertises incomplètes, souvent tendancieuses et peu conformes aux intérêts des populations.

Nous en sommes à ce cap et devons avouer le peu d’intérêt des parlementaires, à l’exception cependant du groupe très minoritaire des Verts .

Le Professeur Jacques Testart a son site Internet : http://jacques.testart.free.fr

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Commentaire de tinsmar le 3 février 2014 à 22:43

 

Comprendre les conventions de citoyens (CdC) -Jacques Testart

Origine de l'article :
La Convention de Citoyens est une procédure de participation qui combine :

- une formation préalable (où les citoyens étudient),

- une intervention active (où les citoyens interrogent)

- un positionnement collectif (où les citoyens rendent un avis).

Tout sujet d’intérêt général, sans limitation du champ géographique, est susceptible de faire l’objet d’une convention de citoyens dès lors que les connaissances en la matière ont acquis un certain niveau de maturation.
Cette méthode repose sur la certitude qu’un groupe de citoyens tirés au sort est capable d’appréhender tout sujet, quelle que soit sa complexité, en se dégageant des seuls enjeux locaux et immédiats, pour proposer des solutions en rapport direct avec les besoins de la société mais souvent ignorées par les spécialistes et rarement entendues des instances politiques.

Pourquoi une convention de citoyens ? 
Parce qu’elle apparaît aujourd’hui comme la méthode démocratique la plus à même d’aider les élus à faire les choix qui correspondent au bien général.
Parce que les innovations suscitent des controverses qui ne peuvent être tranchées par les élus sous la seule pression de lobbies industriels ou d’experts souvent en conflit d’intérêts.
Parce que la participation ne se réduit pas à la simple information ou concertation d’un citoyen.

Pourquoi un projet de loi ?


Malgré plus d’une centaine d’expériences mondiales depuis vingt ans, la plupart de ces procédures se prétendant « conférences de citoyens » ne correspondent pas à un cahier des charges suffisamment précis et rigoureux pour assurer leur qualité, leur indépendance et donc leur crédibilité.

Or cette crédibilité est le préalable indispensable à la généralisation du recours à cette procédure participative, et à sa prise en compte par les décideurs politiques.

A l’initiative de Fondation Sciences Citoyennes (FSC) et sous l’impulsion de Jacques Fondation Sciences Citoyennes -
Testart, une méthodologie précise a été élaborée sous la direction d’un groupe de personnalités scientifiques.

Nous avons d’abord, grâce au soutien de la Région Ile de France dans le cadre d’un programme PICRI (Partenariat institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation), analysé différentes expériences internationales de conférences de citoyens.

Nous avons ensuite défini des conditions pour que des profanes élaborent librement une position bien documentée et représentative de l’intérêt commun, permettant aux élus d’apprécier complètement une innovation avant d’en promouvoir l’usage.
C’est pour rompre avec l’ambiguïté de procédures variées s’autoproclamant conférence de citoyens que nous avons adopté la dénomination Convention de Citoyens, pour laquelle nous proposons ce projet législatif.
Pour aller plus loin La FSC a réalisé une brochure didactique afin de mieux appréhender le dispositif des conventions de citoyens (CdC). Nous vous invitons à la télécharger (et à la diffuser) ou à la lire en ligne : Brochure « Conventions de Citoyens »

Commentaire de tinsmar le 3 février 2014 à 22:00

Les citoyens au pouvoir !

Libération, 26 novembre 2007

Par Michel Callon (sociologue, Centre de sociologie de l’innovation),

Marie-Angèle Hermitte (juriste, CNRS et EHESS),

Florence Jacquemot (juriste),

Dominique Rousseau (constitutionnaliste, université de Montpellier) et

Jacques Testart (biologiste, Fondation sciences citoyennes)

Certaines innovations sont diffusées alors qu’elles font l’objet de controverses ouvertes mais que les élus, incomplètement informés, ne peuvent faire écho à ces préoccupations.

Pourtant, dès que les incertitudes sur l’intérêt et les conséquences des technologies sont importantes, les autorités devraient collecter et discuter les points de vue des simples citoyens, au-delà du cercle des experts habituels.

A l’évidence, pour qu’il soit argumenté, l’avis des citoyens doit se nourrir des informations les plus complètes possibles.

La conférence de citoyens , qui combine une formation préalable (où les citoyens étudient) avec une intervention active (où les citoyens interrogent) et un positionnement collectif (où les citoyens discutent en interne puis avisent), apparaît aujourd’hui, et après de nombreuses expériences mondiales, capable de réaliser ces objectifs.

 

Le prix à payer pour cet exercice démocratique est de le limiter à un petit nombre de citoyens plutôt que de consulter la population entière.

Nous proposons une méthodologie précise pour que des gens ordinaires puissent fournir aux élus des avis éclairés, leur permettant d’apprécier complètement une innovation avant d’en promouvoir l’usage.
Les observateurs des conférences de citoyens se sont étonnés de la capacité de personnes candides à délibérer sur des sujets complexes, en se dégageant des enjeux seulement locaux et immédiats pour proposer des solutions souvent ignorées par les spécialistes, et rarement entendues des instances politiques.

On est loin de l’hypothèse d’un “ public irrationnel ” qui serait incapable d’apprécier les effets réels de la technoscience…

Pourvu qu’elles soient médiatisées, ces procédures améliorent aussi la compétence de toute la population et peuvent rétablir la confiance vis à vis des scientifiques et de leurs propositions.

Comment faire entrer ces procédures dans l’ordre juridique et politique, pour que les dirigeants, mieux informés des enjeux des technologies et des attentes de la population, puissent tenir compte de ces recommandations ?
Avec l’aide du Conseil régional Ile de France (programmes PICRI), nous avons analysé des expériences internationales de conférences de citoyens , puis nous avons défini des conditions pour que des profanes élaborent librement une position bien informée et représentative de l’intérêt commun. C’est pour rompre avec l’ambiguïté de procédures variées s’autoproclamant « conférence de citoyens » que nous avons adopté la dénomination « convention de citoyens », pour laquelle nous proposons aujourd’hui un projet législatif (consultable sur http://www.sciencescitoyennes.org ).

Selon ce projet de loi (fortement résumé ici) la sélection d’une quinzaine de citoyens, profanes par rapport au sujet en délibération et dénués de conflit d’intérêts, est effectuée au hasard mais en assurant une grande diversité ( sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région d’origine, sensibilité politique,…).

L’objectivité de la procédure est recherchée par cet échantillonnage, par une formation assurée hors de toute influence (anonymat des citoyens) et par le consensus obtenu sur le programme de formation, au sein d’un comité de pilotage riche d’opinions diverses.

Afin d’impliquer une instance nationale représentative de la société civile , et d’assurer une permanence organisatrice, nous proposons d’instituer, au sein du Conseil Economique et Social (CES), une dixième section intitulée « Maison des citoyens » qui recevrait les propositions de convention de citoyens, à l’initiative du Premier ministre, du Parlement, des citoyens par une pétition, ou du CES.
Pour assurer le respect de la procédure, la Maison des citoyens met en place un comité d’organisation, composé de ses membres et de personnalités qualifiées, lequel lance un appel d’offres pour l’organisation matérielle de la Convention , nomme le comité de pilotage, et publie des cahiers d’acteurs présentés par toute personne physique ou morale.

Le comité de pilotage comprend des spécialistes de la question posée représentant le pluralisme des opinions sur la question débattue et prend ses décisions par consensus. Il établit le programme de formation des citoyens, reçoit les cahiers d’acteurs, et distribue une documentation comprenant les positions contradictoires dans cette controverse.
La première session de formation présente aux citoyens les connaissances disponibles, de la façon la plus neutre possible. Puis, une seconde session présente la question en termes d’enjeux contradictoires.

Un facilitateur, engagé par le comité, seul interlocuteur permanent du groupe , assure le lien entre les citoyens et le comité de pilotage, sans intervenir dans l’objet du débat.

Après cette formation, les citoyens décident du contenu du débat public (questions à traiter et personnes à interroger). Finalement, ils délibèrent pour établir leurs recommandations, soit par consensus, soit en rédigeant des opinions dissidentes.

Ces recommandations sont publiques et font l’objet d’un débat parlementaire avec vote d’une résolution où toute divergence des élus avec les recommandations des citoyens devra être motivée.Toute la procédure doit être filmée, à l’exception des moments de délibération, les films, conservés au CES , étant accessibles au public. De plus, toute convention de citoyens fait l’objet d’une évaluation par deux experts désignés par le comité d’organisation.

Aujourd’hui, le métier de citoyen ne peut se réduire à celui d’électeur ou d’adhérent à une association mais doit pouvoir s’exercer en dehors des moments électoraux et des formes associatives . A condition toutefois que cet exercice soit institutionnalisé et organisé car il serait vain – et dangereux – de prétendre que l’on naît citoyen. Les conventions de citoyens répondent à ce souci d’être un nouveau lien démocratique. Nous espérons que les parlementaires voudront bien s’emparer de cette proposition.

Commentaire de tinsmar le 3 février 2014 à 21:58

Convention de citoyens (CdC) : Points importants pour la qualité et la crédibilité de la procédure

 

Les « conférences de citoyens » se sont récemment multipliées (on en dénombrait 4 jusqu’en 2008 puis 4 en 2009-2010) en négligeant de plus en plus la rigueur du protocole qui permet la validation de ces procédures .

De plus, à la suite de la proposition du député Jean Léonetti, un projet de loi devrait être adopté pour confier au Comité national d’éthique l’organisation de CdC.

Dans la discussion parlementaire préliminaire on a pu voir les députés de toutes tendances se débattre pour priver ce projet de toute consistance démocratique réelle

(voir Des Conférences de Citoyens organisées par le Comité national d’éth...).

Aussi il nous a paru nécessaire d’énoncer brièvement quelques règles, inspirées par le proposition de loi de la FSC (voir projet de loi), sans lesquelles les CdC perdraient leur crédibilité et donc leur vertu exceptionnelle d’aide à la décision.

- Le commanditaire :

Il doit apparaître clairement et être en capacité de prendre en compte les avis délivrés par la CdC pour l’établissement des lois ou règlements.

Si plusieurs ministères sont concernés, l’implication du premier ministre est nécessaire pour éviter la dispersion des responsabilités. Le commanditaire doit prévoir a minima 9 mois pour organiser une conférence simple. Ne pas faire : une procédure accélérée ; organiser une CdC sans possibilité d’en suivre les avis

- Le sujet :

La CdC porte sur un sujet d’intérêt général suscitant des controverses ; il doit avoir acquis un certain degré de maturité.

Son thème doit être circonscrit à une ou quelques questions précises.

Dans le cas des thèmes très généraux, plusieurs conférences peuvent être organisées dans plusieurs lieux, chacun porteur d’un sous-thème,

et les panels de citoyens impliqués doivent être réunis un week-end pour faire eux-mêmes la synthèse

Ne pas faire : thème trop vaste, imprécis ou immature

- Constitution du panel de citoyens :

le tirage au sort sur liste électorale doit être la règle.

Ce choix initial est suivi de plusieurs correctifs :

s’assurer de la disponibilité, de l’indépendance et de l’intérêt des citoyens par rapport au thème, créer une diversité maximale et écarter les personnes impliquées à titre personnel.

Ne pas faire : recruter des personnes déjà identifiées (professionnels des sondages, anciens participants à une CdC…)

- Constitution du comité de pilotage :

le comité de pilotage doit être indépendant de l’organisateur pour en assurer l’objectivité. Il doit comporter des spécialistes du débat public et des spécialistes du sujet en discussion. L’ensemble doit représenter une palette de savoirs et de positions variées sur le thème choisi Ne pas faire : comité de pilotage homogène ou consensuel

- Contenu de la formation :

Le comité de pilotage doit établir le programme (thèmes, intervenants, cahiers d’acteurs,…) par consensus afin que soient exposés/discutés aussi bien les principaux savoirs consensuels que les aspects controversés en éclairant sur les raisons de ces controverses

Ne pas faire : fuir le contradictoire en recherchant une formation “neutre”

- Désignation de l’animateur :

il doit être un professionnel de l’animation, n’ayant aucun lien avec le sujet traité, recruté par le seul comité de pilotage, indépendant du commanditaire et de l’éventuel prestataire de services organisant les aspects matériels de la CdC

Ne pas faire : accepter l’animateur apporté par un acteur de la procédure

- Déroulement de la formation :

au moins 2 WE (séparés par plusieurs semaines) dont le premier est pédagogique (initiation) et le second fait intervenir des experts d’avis variés.

Ne pas faire : formation accélérée ou incomplète

- Débat final en public :

les citoyens doivent choisir eux-mêmes les personnalités et porteurs d’intérêts à interroger

Ne pas faire : imposer aux citoyens l’ensemble des experts

- Rigueur procédurale :

  • neutralité absolue de l’animateur ;
  • anonymat des citoyens;
  • éviter absolument tout contact non programmé entre les formateurs et porteurs d’intérêts et le panel de citoyens ;
  • rédaction de l’avis par les citoyens eux-mêmes

Ne pas faire : toute influence sur le panel de citoyens qui ne soit pas prévue par le programme de formation ; accès des formateurs/organisateurs (ou de personnes extérieures) au panel en dehors des moments d’intervention prévus par le protocole

- Privilégier une réception des citoyens du panel qui soit de bonne qualité (hôtel, repas) et la seule indemnisation des frais engagés par les citoyens plutôt que leur rémunération

Ne pas faire : participer à une CdC doit rester une action citoyenne, pas un complément de revenu

- A toutes les étapes, la transparence est requise grâce à la vidéo du processus et à la publication de la procédure ; une évaluation indépendante de l’ensemble doit être réalisée a posteriori.

Le public, et particulièrement les citoyens du panel, doivent être avertis de toutes les suites données à l’avis

Ne pas faire : dissimuler certains points de la procédure (composition du comité de pilotage, programme de formation,etc) ;

refermer la fenêtre une fois la CdC terminée, y compris sur les suites politiques données aux avis

Commentaire de tinsmar le 3 février 2014 à 21:57

Quelques différences entre débat public (DP) et convention de citoyens (CdC)

J. Testart, texte non publié

  • Le DP est la seule procédure « participative » régie par la loi (2002) et donc assez bien codifiée. Sa gestion dépend de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) qui crée des commissions particulières (CPDP) pour chaque thème mis en débat. Nous avons réalisé un travail d’élaboration pour qu’il en soit de même des CdC (projet de loi ) et dépasser la confusion actuelle dans les pratiques internationales, confusion propice autant à l’incompréhension de la procédure par le public qu’à sa négligence par les élus
  • Les thèmes soumis au DP sont très nombreux ( des dizaines chaque année ) car ils portent sur des projets essentiellement locaux (surtout urbanisation). Au contraire la CdC est surtout destinée à traiter des problèmes globaux concernant l’humanité (PGM, nanos, nucléaire, bioéthique,…). Mais récemment le DP prétend aussi traiter de thèmes qui concernent –l’ensemble de l’espèce (par exemple le diffusion des nanoproduits)
  • Le DP est alimenté par des cahiers d’acteurs (produits par des « institutionnels représentatifs »), des cahiers d’experts (produits à l’invitation de la CNDP ou des CPDP), des contributions écrites + des « questions/réponses »+ des « avis » de personnes ou associations, le tout consultable en ligne, et finalement des réunions publiques . La CDC comprend aussi des cahiers d’acteurs et l’intervention d’experts mais ces éléments d’information sont dosés par le comité de pilotage de telle façon qu’une option particulière ne soit pas favorisée et que les diverses positions connues trouvent place auprès du panel de citoyens . Ce résultat est recherché par le consensus sur le programme d’information proposé aux citoyens, consensus obtenu malgré la pluralité délibérée du comité de pilotage.
  • Le DP cherche à mobiliser toute la population concernée alors que la CdC s’adresse à un petit groupe de citoyens tirés au sort et non spécifiquement concernés par l’objet du débat. En réalité la proportion de personnes intervenant aux divers niveaux du DP reste infime par rapport à la population concernée (voir les bilans des DP sur le site CNDP qui annoncent le plus souvent environ 1000 « participants » dont beaucoup ne font que demander l’heure de la réunion ou s’étonnent de n’avoir pas reçu la doc…)
  • Un bilan du DP est dressé par un rédacteur nommé par la CNDP. Dans la CdC ce sont les citoyens eux-mêmes qui rédigent ce bilan. La nuance est importante car bien des positions exprimées lors du DP n’apparaissent pas dans le rapport.
  • Le bilan du DP se veut neutre et n’est donc pas un avis. Au contraire les citoyens des CdC expriment des avis, y compris leurs dissensus.
  • Le déroulement du DP est l’occasion d’actions multiples de lobbying , ce qui n’est pas possible dans la CdC où l’anonymat des « jurés » est préservé
  • Le DP est un lieu de confrontation entre des partisans de solutions différentes et souvent opposées alors que la CdC permet des échanges et la concertation entre des personnes de bonne volonté qui n’ont pas d’intérêt propre pour le choix d’une solution particulière parmi celles proposées par les experts et porteurs d’intérêts
  • Les résultats de toute procédure « participative » (DP ou CdC) sont disponibles pour une aide à la décision des élus. Il est évidemment facile pour les décideurs d’ « oublier » les points qui ne leur conviennent pas dans un rapport lui même déjà subjectif puisque rédigé par un rédacteur qui s’efforce de « ne pas prendre position »; dans la CdC, tous les avis, lesquels sont clairement émis par les citoyens, devraient être débattues par les élus selon notre proposition
  • Les avis issus d’une CdC constituent une référence unique pour permettre / orienter les choix de l’ensemble de la population (tous ceux qui n’ont pas participé à la procédure) car ils émanent de citoyens dûment éclairés et sans conflits d’intérêts . Le bilan peu explicite (pas de propositions claires) et non rationnel (quel poids pour chaque option exprimée ?) du DP résulte d’un rapport de force surtout entre des parties prenantes et n’a que peu de valeur pédagogique parce que sa crédibilité n’est pas évidente pour les personnes extérieures.

Quel choix entre DP ou CdC ?

La vocation de la FSC est de mettre la technoscience en démocratie, ce qui nous amène à privilégier les procédures qui réduisent le poids décisionnel des experts autant que les pressions de lobbies, et se concluent par des propositions claires, rédigées et portées par les citoyens eux-mêmes

La participation ne se réduit pas à l’information sauf à continuer de considérer le citoyen comme un spectateur: il ne suffit pas que le public participe à la procédure pour prétendre qu’il choisit son avenir alors qu’il n’a pas réellement participé à la décision. L’argument d’une mobilisation du public grâce au DP ne tient pas davantage puisque seulement quelques % (en comptant très large…) contribuent aux DP. Même pour les DP exceptionnels concernant des thématiques globales comme celui sur les déchets nucléaires, la CPDP n’aurait mobilisé que 3000 participants (pour un coût de 2,5 millions soit plus de 10 fois celui d’une CdC..). De plus ces participants sont d’abord des porteurs d’intérêts car contrairement aux citoyens « ordinaires » qui garantissent l’impartialité de la CdC, les acteurs du DP sont surtout des groupes identifiables (industriels, associations, gestionnaires), et des « personnes concernées » tels les riverains . Ces personnes concernées sont exclues du panel de la CdC par souci d’approcher l’intérêt commun (mais les groupes identifiables peuvent y intervenir comme experts, ce qui est légitime et nécessaire). En effet l’intérêt commun n’est pas la moyenne des intérêts particuliers capables de se faire entendre.

Alors que choisir ? Bien sûr ces procédures ne s’opposent pas mais elles ont des vocations différentes (il existe d’ailleurs bien d’autres procédures possibles : jury citoyen, sondage délibératif, atelier scénario,…voir Y Sintomer : Le pouvoir au peuple, La Découverte, 2007) L’intérêt principal du DP est la possibilité d’expression offerte à tous (mais c’est déjà ce que permet le processus électoral, lequel est justement surtout efficace pour les enjeux locaux que traite le DP...). L’intérêt de la CdC est dans sa capacité à proposer les solutions qui conviennent le mieux au bien commun (sur des enjeux plus anthropologiques que locaux) et elle constitue la procédure la plus propice pour cela. Cette dernière affirmation n’est pas gratuite : il n’y a pas équivalence de toute les propositions qui prétendent assurer la « participation » et le DP, pour lequel il faut saluer les efforts de définition procédurale par la CNDP, ne peut pas être amélioré dans sa qualité démocratique(seul le respect de son bilan par les élus pourrait l’être comme cela devrait arriver pour d’autres procédures dont la CdC). Par exemple l’auteur de l’initiative ne devrait pas être aussi son organisateur et en plus son pilote, toutes fonctions cumulés par la CNDP mais séparées dans la CdC qui recherche l’objectivité par une cascade de responsabilités (organisateur/ comité d’organisation/ comité de pilotage/ panel de citoyens).

Il n’est pas question d’organiser des CdC pour savoir où faire passer l’autoroute ou si on construit un pont sur la rivière ...Là le DP a certainement sa place pourvu qu’il ne soit pas l’occasion de manipulations, ce qui paraît difficile à éviter quand les enjeux sont importants. Mais les CdC sont incomparables quand il s’agit de décider de choix de société car le tirage au sort est un retour aux sources de la démocratie, laquelle est renforcée par l’exigence de pluralité des « expertises » délivrées et discutées.

La FSC défend le tiers secteur de la recherche parce que nous croyons aux capacités de jugement , de proposition, et d’équité des citoyens de base organisés en associations d’intérêt public. La CdC propose un 4° partenaire pour l’élaboration de la norme : outre les experts, les politiques et la société civile organisée (associations) elle donne toute sa place aux citoyens « ordinaires » (mais acceptant cette tâche d’intérêt collectif).

C’est pourquoi la convention de citoyens, telle que définie dans son protocole et ses prérogatives par la FSC, est un outil privilégié pour défendre l’utopie qui nous anime et vise à ce que la population intervienne dans les priorités de recherche et se saisisse du meilleur seulement des productions de la technoscience.

Commentaire de tinsmar le 3 février 2014 à 21:57

La convention de citoyens par Jacques Testart 

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